samedi 22 août 2015

Nana Raiatea

Quelques mots pour commencer….
Le brouillon de cet article traîne dans les méandres de la mémoire de l’ordinateur depuis longtemps mais quelques fâcheux événements m’ont coupé dans l’élan au point d’ignorer le blog. Pourtant il est difficile de passer à coté des nombreuses réclamations des lecteurs qui se demandent ce que nous devenons. Nous rencontrons des inconnus sur les pontons qui nous lisent, des messages de lecteurs assidus, ça fait vraiment plaisir et ca me remet dans le jus… Je pense notamment à François Hérion qui nous suit depuis les Canaries je crois, merci beaucoup!

Voici donc la suite avec pas mal de retard…

Tout d’abord bravo aux quelques Tintinophiles cultivés (il en reste) qui ont fait le lien entre le nouveau nom de notre bateau : Arumbaya, et L’Oreille Cassée. En plein dans le mille, on charrie suffisamment l’audition désastreuse de Deb pour passer à coté de l’oreille cassée. La statuette des Arumbaya contenant un diamant (n’est ce pas les tintinophiles?), ça fait un lien avec l’ancien nom du bateau, La Rabasse,  la truffe, le diamant noir.

Maintenant j’imagine que vous voulez tous savoir ou en est l’expédition? Elle va bien! Oui, on a traîné à donner des nouvelles mais c’est qu’on vit à fond la caisse, pas de vacances pour les vrais gars! Celle là c’est pour les Lascarophiles.
C’est vrai qu’aux dernières nouvelles ça faisait un peu sauve qui peut, chacun pour nous. Mais par chance, la force était avec nous (Starwarzophiles). D’autres appelleraient ça l’Alliance… Finalement le bilan de cette première épreuve s’avère très bon, on passe au niveau supérieur en réparation de bateau, Arumbaya n’a plus aucun secret pour nous.

Une fois sortis de l’eau et calé avec grands soins, le grand dépouillement à commencé en vue de la réparation de varangue. Il a fallu se faire un peu violence pour attaquer le démontage avec en arrière pensée la certitude d’en prendre pour un bon mois de retard, nous qui étions sur le «départ ».
Il faut dire que nous avons été «coaché », d’une part le chantier nous mettais en confiance en nous proposant aide, locaux et défraiement, quelques voileux de passages qui  ont fait don de nourriture, de matériels, de matériaux et de soutient, et enfin le super coach : Sylvain, l’homme de la situation!
Sylvain est donc le sympathique artisan patenté à qui ce genre de réparation structurelle sur un voilier ne fait pas peur. Seul bémol, sa disponibilité. Il confie donc les travaux à un malheureux a qui il allait falloir endurer 3 jours de ponçage de fibres de verre en milieu clos. Or ce malheureux est vendéen. Nous avons même des amis en commun. Inutile de chercher plus loin ça colle tout de suite avec Freddy, voilà 3 ans qu’il est arrivé en Polynésie, il a parfaitement pris le pli et porte plusieurs caxettes : soit matelot de pêche sur un poti marara (attention, pêche sportive !!!), soit artisan sur le chantier naval ou enfin peintre calligraphe, c’est simple : les locaux l’appelle Picasso.
Freddy n’est pas intervenu tout de suite, il a du attendre que nous découvrions toute la zone à réparer du bateau. On s’est arraché les cheveux pour le démontage, l’ameublement à été posé en usine dans la coque avant que le bateau ne soit ponté, rien n’est facilement démontable, il faut couper de la fibre, arracher du bois, et creuser jusqu'à découvrir tout le carré, la table a carte, la cuisine, la salle de bain, la descente…  Une partie d’un hangar du chantier nous a été prêté pour le stockage. La bonne nouvelle c’est qu’on a fait un inventaire de toute la menuiserie pourrie et qu’on a pu se l’envoyer immédiatement. Sylvain venait faire son petit tour chaque jour pour jauger l’ampleur du travail à faire à mesure que la varangue se découvrait, il venait de nous prêter son bateau au mouillage pour le temps des travaux, ca collait déjà très bien entre nous!

c'est parti, le bloc cuisine...

... la table à carte...

... et finalement tout le reste...

premières vues sur la varangue

identifications des dégats

déchirures et décollements

on poursuit avec la salle de bain, on peut passer le doigt
a travers la cloison

la descente s'écroule d'elle même


le grand dépouillement dans le chaos


Une fois le ventre du bateau vide et protégé comme une salle de mise à mort dans Dexter, Freddy à pu plonger dans le chaudron du diable, il a disparu dans la vapeur et la poussière de ponçage en quelques minutes, en faisant hurler sa meuleuse contre la coque, seul signe de vie que nous recevions de lui depuis l'extérieur. 


la varangue n'attend plus que Freddy

Ainsi les travaux structurels massifs étaient engagés, Freddy avait trois jours d’infâââme ponçage devant lui, on s’est attaqué sans tarder à la menuiserie, cette fois on nous a proposé un hangar entier… Chaque élément de bois pourri ou faible est remplacé, on récupère tant bien que mal les vieux gabarits pour s’épargner un douloureux traçage, l’atelier ronronne du matin jusqu’au soir tous les jours de la semaine, Deb est Ponçeuse, Ronan est  Sauteuse et je suis Circulaire. Tout y passe, du plancher, de la cloison de salle de bain, de la descente, du carré,… 





 s
tous les soirs nous rentrons au mouillage...

...durant 3 semaines nous logeons à bord de la Fée,
le bateau de Sylvain

L’atelier peinture approchant il a été décidé de renouveler l’intérieur, afin d’atténuer le vernis massif. Je passe sur la taille du débat qui a nous animés plusieurs jours sur la teinte du blanc à appliquer. Finalement on y est arrivé, se sera du blanc. Pris de folie décorative on s’est lancé dans la reproduction d’une raie façon tatouage polynésien en pochoir sur une porte, il aura fallu deux jours pour reproduire le dessin sur un quadrillage de sotch, le découper, gratter le vernis entre les scotchs et finalement… foirer complètement la peinture…





Pendant ce temps Freddy, qui n’était pas mort à la tâche, avait fait le ménage dans sa grotte (notre bateau) et passait à la phase reconstruction des éléments endommagés : varangue et quille, en languissant le vendredi soir, l’incontournable apéro du chantier ou sont invité les usagers. C’est donc autour d’une Hinano fraiche que nous apprenions les talents de Freddy pour la peinture, trompes l’œil et calligraphie entre autres. Bingo, nous lui confions le rattrapage de notre raie, un dessin sur une autre porte (un margouya), et le remplacement du nom sur le bateau.




C’est à peu près à cette période que Claudie et Paul ont remis leur voiler à flots. Je ne crois pas avoir déjà parlé d’eux, pourtant nous les fréquentions depuis nos premiers jours à Raiatea. C’est un couple assez âgé (Paul à 88 ans), mais les aventures de leurs vies ne tiendraient pas dans une bibliothèque, en faisant court, 15 ans à vivre dans une Jeep à parcourir l’Afrique pour faire des reportages, animaliers surtout, amoureux du Tchad et du Soudan, leurs bobines de films et leurs articles leurs ont permis de vivre de leurs conférences à travers le monde une fois qu’ils sont revenus au moyen de locomotion à la voile. Paul était déjà fort d’une transat effectuée en 1952, cette année là 3 voiliers de plaisance ont traversé l’Atlantique. Ils se sont ensuite casés en Polynésie, ont fait naufrage avec leur trimaran, sont repartit de zéro avec un voilier vide et, ayant perdu leurs bobines, se sont lancé dans la chasse au coquillage de collection pour pouvoir vivre. Désormais ils viennent de finir leur dernier carénage comme ils disent, le bateau de retraite restera amarré au ponton d’Uturoa, si vous les voyez, passez le bonjour de notre part!

Un peu de relâchement du coté du planning, Ronan et moi nous sommes mis à la pêche au harpon, on s’autorise quelques débauches précoces pour rejoindre le platier en annexe. Après quelques débuts difficiles on a noté rapidement des améliorations dans la technique de chasse et dans l’apnée. Nous avons une «assistance » à la descente rapide, il s’agit d’une ancre à laquelle nous nous accrochons et qui nous amène jusqu'à dix mètres  (longueur du bout). Si la décompression est bien faite on se retrouve au fond sans effort, les poumons pleins. Nous sommes accros, c’est addictif! Et pour l’ambiance il n’est pas rare de croiser quelques requins pendant la pêche, pour surveiller les quotas…





rougets

perroquet

Pendant ce temps là Freddy se noyait dans les effluves de résines (il est vaillant, hein ?), et terminait sa part du chantier : varangue réparée, consolidée, repeinte, ainsi que la quille, super boulot! Nous avons pu rapatrier le chantier à bord.
Sylvain est resté notre référent pendant tout le chantier, sur ces bons conseils nous profitions du chaos qui régnait à bord d’Arumbaya pour renforcer les reprises de cadènes, le travail de l’époxy me plait de plus en plus, ça tombe bien Deb et Ronan ne courent pas après, préférant se tourner vers la peinture, le polissage de l’inox de l’épontille, ou la repose des passe coque. 


Puis son tour est arrivé : le vaigrage, le plafond en lambeau. Arraché sans sommation il a été remplacé par des panneaux de comasel (PVC), ce qui a entraîné des modifications d’adaptation, surtout autour des 2 hublots de roof. La découpe et la pose du vaigrage s’est très ben déroulé, en revanche toute la bonne volonté apportée à la réalisation de l’étanchéité des hublots n’a servit à rien, Ils pissent drus à chaque averse, nous avons bien tenté des les recoller à nouveau, mais rien y fait, à l’heure ou j’écris il pleut encore sur Deb qui est en train de dormir.








collage des contres cadres

vaigrage terminé


descente toute neuve


5 semaines de chantier sans un jour de repos, les réveils sont de plus en plus douloureux...




Plus d’un mois de chantier plus tard nous avons enfin pu commencer à remonter notre bateau, le plancher revient, les cloisons, les éléments de cuisine, les volumes, les finitions, et finalement la remise à l’eau. Pas simple… Pas du premier coup disons… Un des passe coque en avait décidé autrement, nouvelle sortie, réparation express puis dernière mise à l’eau, la bonne? Oui, mais. Mais encore une fuite, sur un autre passe coque. C’est trop, réparation effectuée à flots, passe coque bouché à la pinoche, changement de vanne, et voilà, on flotte!!!!



dégouté, fuite d'eau, il faut ressortir, damned!

A quai dès le lendemain, enfin!!!!!

Parallèlement nous avions déjà repéré un certain bateau sans vie dans le port à sec pendant les travaux, un bateau au nom moins célèbre que feu son capitaine, mais connu de nombre de passionnés, un certain Tamata de Bernard Moitessier… La belle histoire commença lorsque la vie à repris sur Tamata, Véronique, la dernière femme du célèbre navigateur venait de gagner le bord et d’amener le fier navire sur la zone de travail, dernier mouvement avant la remise à flots. C’est un apéro du vendredi qui s’est chargé de nous rapprocher elle et nous, d’une part nous étions très attirés par le mythe qui gravite autour de son bateau et nous brulions d’impatience de discuter avec cette femme. L’envie était réciproque, Véronique à rencontré Bernard en faisant du bateau stop, elle se retrouvait un peu en nous 30 ans plus tôt. Quelques jours plus tard nous étions voisins de ponton, comme quelques navigateurs de passage nous avons participé à la remise en état de Tamata, Ronan en premier rang était le plus touché et le plus volontaire, à lui seul il s’est envoyé le mât (ponçage et peinture) ce qui lui a vallu l’honneur ultime : démarrer le moteur de Tamata à la manivelle. Lorsqu’on monte sur ce bateau on a l’impression de pénétrer dans un livre de moitessier, son univers, tous les schémas qu’on croise dans ses bouquins, tout y est, le renvoi de barre à l’intérieur du bateau, le réchaud à pétrole suspendu, les photos, les cordages. Le mythe est palpable. On programme de faire une sortie ensemble sur Tamata…




Véronique





Mais de sorties nous n’aurons pas eu le loisir d’en faire beaucoup - pas à bord de Tamata en tout cas, pour le plus grand malheur de Ronan - Sylvain nous a emmener mouiller dans le bleu clair d’un motu à bord de son bateau avec sa femme Amandine et Oana, la petite. Super sortie, rigolade et bonne humeur, vraiment on se bien à Raiatea avec ces gens, le départ est proche pour nous, c’est dommage! Ca n’a pas empêché  Amandine de tenter de nous refiler un chiot, Nous avons céder pour le garder une semaine. Il s’en est fallu de peu que l’on craque à l’issu de cette semaine, finalement c’est Amandine et Sylvain qui ont craqué, ils ont gardé le chiot et l’on appelé Arumbaya.



Notre tour arriva enfin, le jour ou tout fut prêt pour notre première sortie en lagon avec Arumbaya. Aussitôt les voiles hissées nous prenons de la vitesse, tout ardent qu’il est, il file formidablement, on est conquis! Les sourires sur toutes les faces, on navigue, première nuit au mouillage dans la baie d’Apu à Tahaa. De là il ne nous manquait plus qu’a trinquer un dernier vendredi soir pour prendre le large le samedi matin.
Distribution d’adieux, photos de groupe, au revoir les amis, nana, nana Raiatea!





En route pour Taravao, franchissement de la passe de Miri à 10h le matin, c’est nous les capitaines, euphorie à bord… En ligne droite il y a 150 milles à parcourir, au pré ça fait un plus, tout se déroule bien jusqu’au soir, jusqu'à l’heure de mettre plus de toile, pas sur le bateau, sur le bonhomme, ça caille. Eh alors quoi? C’est quoi cette connerie? Comment ca pas de vêtements? A aucun moment on a pensé à embarquer les tenues de quarts ou même une veste… Ca caille… Il faut rappeler que nous n’avons aucune autonomie électrique, donc pas de pilote, donc  2h de barre toutes les 4h. Les 4h se divisant en 2h d’assistance au barreur pour les manœuvres et 2h de repos pur. A cela Deb à gratifié les éléments d’un petit vomito, nous avons donc fait double quart avec Ronan, ce qui nous a mené à une bonne fatigue dès le lendemain matin. La journée suivante s’est déroulé sous la pluie, a renfiler des fringues trempées à chaque quart, pas top… En l’absence de compas digne, c’est la girouette qui nous montre la route, indiquant sans relâche Taravao, une chance, sinon il aurait été difficile de tenir un cap avec un compas bloqué…La fatigue et la pluie ont eu raison de nous, ordre à été donné à 22h de se mettre à la cape, ce qui nous a permit de dormir chacun au moins 4h et de reprendre sous un ciel plus clément au milieu de la nuit. Le vent à été avec nous jusqu’au matin suivant en nous permettant de laisser beaucoup de milles derrière nous  et de voir Tahiti au lever du jour. Guidés par notre empressement on a longé la cote ce qui nous a valu d’être complètement déventés à 10 milles de l’arrivée, qu’a cela ne tienne, un changement de courroie et on termine au moteur.

***
Taravao, le retour… Nous n’aurons pas jouit longtemps de notre euphorie d’après navigation, c’est par une nuit au mouillage que la nouvelle est arrivée, le téléphonne insistant dans le silence nocturne, et pour cause… La sœur de Ronan qui se bat contre le cancer arrive dans une phase délicate… Sans l’ombre d’un doute notre équipier doit rentrer d’urgence en France occasionnant un déchirement total de notre humeur et de notre motivation! Nous pensons très fort à Anaïs et toute sa famille, ainsi qu’à Ronan, notre équipier Deluxe, qui a laissé un vide derrière lui… Nana Ronan!


Ainsi s’achève tristement cet article, bien sur c’est agréable de se retrouver en couple mais nos pensées nous empêchent de prendre notre pied. La remise en état d’Arumbaya se poursuit, il ne faut pas mollir, le phénomène « el niño » est plus fort que l’année passée, le risque de cyclone est donc élevé, il ne faudrait pas s’attarder ici et comme nombre de navigateur partir vers l’est d’ici 2 mois maximum et gagner les Marquises pour être plus à l’abri…


Bisous à tous ceux qui nous lisent, a bientôt!!!!