Le retour à Tahiti fut bref. Charles s’est envolé
quelques jours plus tard et nous nous sommes retrouvés avec Ronan dans cette
grande maison que nous avons aimé mais que nous avons hâte de quitter
maintenant. On s’accorde tous les trois sur nos suites de voyages pendant qu’Anna
murit sa décision : terminer son année scolaire puis retour en France via
le Japon, Ronan n’entend pas quitter la Polynésie comme ça : il est venu
pour naviguer, nous lui ferons faire des navigations afin de lui mettre le pied
à l’étrier pour un éventuel voyage en bateau stop. Le temps presse, l’argent
diminue et à ce stade l’heure n’est plus au travail mais à la réalisation des
projets…
Et nous autres???
Notre voyage à Raiatea à porté ses fruits, nous ne sommes
pas peu fiers de vous annoncer que l’acquisition d’un frêle esquif est en
cours!!!!!
Nul n’aura douté de notre choix du Hunter 356 bien sûr.
Oui, nous avons laissé filer le Mélody car l’offre à notre mesure que nous
avons proposé au propriétaire du Hunter à été accepté à la grande surprise de
tous (broker compris). Nous remercions au passage le couple qui nous cède ce
voilier de son geste. Notre achat en quelques mots : le bateau est récent
(2002), ca se ressent beaucoup dans les volumes, la carène et l’agencement, le
coté américain y est pour quelque chose, les espaces sont prévus pour des gens
ventrus. Et oui, c’est un bateau de cow boy, ce qui n’est pas nécessairement
une bonne nouvelle, ils sont adepte du contremoulage, ce qui condamne des
parties entières du bateau à l’impossibilité de la moindre visite humaine. Le
gréement est sain mais très particulier, pas de pataras, le mât est autoporté
par 2 étages de barres de flèches poussantes. On trouve en soute un jeu de
voile qui n’a que peu servi en hydranet (les connaisseurs devraient applaudir normalement,
l’expert nous dira plus tard qu’on pourra jeter notre jeu de voiles de
secours), il est équipé comme un porte avion en ce qui concerne l’électronique
de navigation, d’un champ de panneau solaire, et de nombreux plus comme une
annexe avec un fond alu, un moteur hors bord Yamaha, un kayak, un équipement de
plongée, et j’en passe… Je viens de passer en revue les points positifs, si on
les écarte on verra que beaucoup de travail nous attend, apparemment nous
devrons refaire une cloison structurelle pourrie, la sellerie, soigner le
moteur qui manque manifestement d’amour, et encore tout un tas de choses. Il
faut dire que ce bateau à une histoire tout de même, il a subit un tsunami à
l’île de Pâques, s’est fait aborder, à réussi malgré de bon dégâts a rejoindre
Raiatea (c’est pas tout proche) en subissant du gros vent… Depuis maintenant 5
ans il est inhabité et subit les assauts des moisissures, ses propriétaires ont
été contraints à rentrer en France, leur santé ne leur à jamais permit de
revenir…
notre Hunter 356 dans l'état |
et la version neuf |
« Notre proposition est acceptée ». Nous étions
donc à Taravao quand la nouvelle est tombée comme un matin de noël tombe sur un
enfant : jamais paquet cadeau n’avait été aussi alléchant, l’excitation
atteint la zone rouge accompagnée de ce que j’appellerai une sensation
« urticante » due à l’attente de la sacro-sainte autorisation de
déballage.
A peine de retour à Tahiti qu’il faut déjà organiser un
nouveau départ pour Raiatea. Le temps presse, nous ne tardons pas à réserver
les billets d’avion tandis que Ronan fait de même pour les Marsquises. Nous ne
disposons que de quelques jours, il faut vider la maison au maximum avant de partir, le reste attendra notre retour
dans un bon mois. Chaque jour apporte donc son lot de trajets vers le dépotoir,
nous avions emmagasiné énormément de bordel, sans regrets nous le congédions
vers sa destination : la destruction. Nous brulons tout ce qui peut l’être
dans un gigantesque brasier, tellement chaud qu’il à réussi à faire mettre en
feu un cocotier sur pied!!! Enfin nous remettons un peu d’ordre dans notre
belle mécanique, la fameuse 205.
Tout est prêt, nous donnons au chat les dernières
instructions (c’est lui qui va garder le château cette fois), puis nous nous
ruons à bord de l’auto qui nous mènera à l’aéroport. Il est 3h30 du matin, il
pleut dru, nous sommes trempés. Anecdote, en déposant notre sac poubelle chez
Champion notre pare brise croise le chemin d’une chaine tendue entre 2
cocotiers visant à nous interdire l’accès. L’épaisseur de la coulée d’eau sur
la vitre nous masquait l’obstacle… Un curieux spectacle s’est offert à la lueur
de nos phares, celui d’un combat à mort entre un essuie glace et une chaine.
Tous les coups sont permis, strangulation, broyage d’articulation,...
Finalement dans un ridicule râle l’essuie glace à cédé, immédiatement vengé par
un sursaut de son moteur qui trancha l’obstacle… Nous tirons immédiatement 2
conclusions : la première est qu’un moteur d’essuie glace est capable
d’ouvrir un maillon, la seconde, qu’il nous reste plus de 60km de nuit sous une
pluie torrentielle sans essuie glace conducteur… L’arrivée à l’aéroport fut
salutaire, Ronan jurait tout le long du trajet à conduire à cheval sur le frein
à main pendant que j’essuyais la buée tout en copilotant…
Nos 2 vols se sont succédé, Nous retrouverons notre futur
équipier pour la nav retour vers Taravao.
Huahine vue du ciel, quelques nuages l'ont accrochée |
le lagon de Tahaa |
Vous le voyez? on le survole!!! |
Une escale et une heure de vol plus tard nous
atterrissons. Enfin, pas complètement, disons que nous descendons de notre
nuage pour en gagner un autre : celui du déballage du cadeau!
L’instant est magique, nous n’avons signé qu’un compromis
de vente mais c’est déjà chez nous, c’est déjà notre maison de locomotion à
voile.
Notre enthousiasme fait fit des moisissures, de l’odeur,
du plafond pendant, des menuiseries pourries. Tout cela n’est que détails dont
nous aurons ultérieurement le loisir de nous inquiéter! On ne voit que
l’affaire que nous avons faite, la ligne, l’équipement, les volumes, les
contremoulages démontables. Nous avions déjà réservé une expertise avec le
skipper de notre dernière navigation (cf article précédent), l’étude du bateau
à été très poussée, elle s’est étalée sur 3 demi-journées. Bilan : travaux
à prévoir principalement sur le moteur, les reprises de cadènes, la menuiserie
(dont une cloison structurelle à l’arrière), le vaigrage, la sellerie, le
système de mouillage. Nous apprenons que de gros travaux ont été effectués il y
a 3 ans par le chantier dont le montant dépasse le prix d’achat… ils concernent des reprises sur la coque, la
quille, le safran, l’enrouleur, la pose d’un sail drive neuf (élément de la
chaine cinématique allant de la sortie du moteur à l’hélice) et quelques
opérations sur le moteur. Parole de l’expert : « ne tergiversez pas
trop, foncez! », de toute façon la décision est prise pour nous :
impossible de faire marche arrière, nous avons déjà adopté La Rabasse, nom
actuel du voilier.
Le couple de vendeurs nous autorise à investir le bord et
à débuter les travaux avant le terme de la transaction, encore un geste
sympathique de leur part. L’émotion retombant (à peine) nous prenons la mesure
du travail qui nous attend, il faut dépolluer dans un premier temps, ôter ces
moisissures, aérer et sortir toute la sellerie, vider les coffres, démonter et
virer les bois pourris… Plus nous creusons dans les soutes et les placards plus
nous prenons conscience que nous « volons » l’intimité de quelqu’un
d’autre, tout est à bord, des vêtements à la vaisselle en passant par la
pharmacie et la bibliothèque. Nous
imaginons l’épreuve qu’ont subit les précédents occupants de devoir quitter le
navire en laissant tout à bord… On se fait la promesse de redonner toute sa
fraicheur à La Rabasse afin de prendre un nouveau départ, de rendre honneur à
l’opportunité qu’on nous offre d’avoir un tel bateau. C’est très motivant!
Chaque jour les surfaces sont nettoyées, l’odeur tenace
décline doucement. Nous faisons un inventaire du matériel de bord (instruments
de navigation, documents, outillage, sécurité,…) et attaquons les travaux, dans
la ligne de mire au premier rang : la maudite cloison arrière à remplacer.
Son accès est affreusement démotivant, je retrouve cette sensation urticante me
poussant à remettre au lendemain. Un peu de bravoure, il faut attaquer, nous
passons par les services d’un sympathique menuisier-stratifieur qui va nous aider,
nous guider et nous former aux bases de la stratification. Cette cloison étant
structurelle on ne sentait pas de réparer à l’estime. Notre « guide »
est aussi skipper et un embarquement l’attend d’ici quelques jours, une fois de
plus le temps est compté. Nous faisons notre possible, je prépare le terrain au
maximum et découpant et ponçant la fibre de verre en combinaison au fond des
soutes mais je bute sur un problème de taille : ne surtout pas négliger la
qualité du masque à cartouche filtrant les particules… Je maudis mon masque
« pas cher », il me faut de la qualité sinon je ne survivrai pas à
cette semaine! Le charme des îles s’effondre alors, un bon masque ca se
commande, et ca se livre par bateau, ce n’est donc pas disponible avant plusieurs
jours, les ponts ne font pas notre affaire…. Damned, on ne sera pas prêt avant
la fin de semaine, nous devrons attendre le retour de notre
« guide », dans 10 jours. Première défaite…
la cloison structurelle, champipi... |
Ces week-ends à rallonge sont pourtant l’occasion de se
divertir. Bien que peu intéressé par toute autre forme de divertissement que
notre nouveau joujou, nous cédons à l’invitation de loulou (cf article
précédent) : un tour de Raiatea sur 2 jours à bord de ce Mélody qui nous a
tant plu. La navigation majoritairement lagonnaire s’est déroulée intégralement
au moteur, le vent nous a fait défaut, invitant la pluie…
Ce fut un très bon
moment quand même, quelques mouillages paradisiaques en souvenir, ainsi qu’une
situation difficile à qualifier (pittoresque?), celle ou j’ai fait se
rencontrer deux éléments qui ne devait pas : la quille et le corail.
Loulou à eu la sage parole : un bateau c’est très solide. Effectivement,
pas de dégats plus méchants que des rayures… Je suis quand même très honteux de
cette faute d’étourdissement, nous participerons donc au prochain carénage.
Le cheminement de notre cher chantier suit un rythme
correct, pour l’heure pas encore de grosses réparation, plutôt des diagnostics
et un super nettoyage de tout ce qui se trouve à bord, rondement mené par
Deb!!!
pour accéder aux coulisses de la machine... |
... il faut souvent prendre des positions à la con! |
Et des tenues à la con, par 35 degrés! |
la chaine de mouillage avant : un bloc de rouille |
après, on a réussi à en sauvé un petit bout... |
La suite très bientôt, nous remercions nos 2 mômans pour
leurs assistances avec les services français et leurs médiations auprès de nos
banques, les fameux virements... de bord, particulièrement celle de Deb qui n’a pas hésité à creusé dans son
budget et à faire plusieurs centaines de kilomètres pour se rendre au saint
siège de l’établissement bancaire afin de prêcher notre bonne parole…
Et merci à tous ceux qui ne croient pas dans l’échec de
cette douce folie, une page se tourne, le voyage est mort, vive le voyage!