5 semaines après nos premiers pas dans le ventre de notre
Hunter il est tant de donner des nouvelles et de dresser un premier bilan…
Difficile à décrire, la courbe des émotions ressemble à celle de
l’oscilloscope : sinusoïdale. Et on atteint des pics, dans un sens comme
dans l’autre. Pas mal de litres de sueur, des passages chez l’ostéo (le dos),
des grands moments de victoire, des bonnes marrades, des découvertes
douloureuses, UN contretemps…
Un petit récapitulatif des travaux effectués en images devrait
éclairer le lecteur mieux qu’une longue complainte d’un phoque en Alaska. On a
mis le pied dans un véritable chantier qui nous occupera désormais un bon
moment, sans regrets, on y tient beaucoup, notre quotidien est changé! Quelle
pétaudière!
Retour en arrière, fin du gros ménage et établissement de LA
« job list », des interventions à prévoir en haut de mat, sur le
gréement, le mouillage, l’aménagement, l’autonomie, la sécurité, et le
structurel…
Premier travail : mettre en service l’annexe. Elle n’a
quasiment pas servit et laissait croire qu’elle serait pétillante mais après 5
années à cuire au soleil sur le pont on ne peut plus la manipuler, les collages
sont périmés, toutes les poignées reste dans les mains, le tableau arrière se
décolle. On la remet en service ainsi que son moteur puis on se lance à l’eau,
nous pensions naïvement trouver là un moyen de locomotion pour gagner la ville (6 km) mais c’est une
véritable mission, nous renonçons et nous vengeons sur le vélo.
Ensuite la tant attendue cloison structurelle. Elle se situe
tout à l’arrière et joue le rôle de la dernière varangue. Elle apparait dans la
cabine et dans 2 soutes, l’accès est
merdique. Un élan de motivation et je me
lance dans le gros ponçage de la résine. J’ai enfin reçu mon masque intégral,
le bonheur… Les 2 premières minutes… Puis l’enfer. Ce ponçage génère une telle
poussière qui s’infiltre partout, irrespirable et puante que deb doit quitter
le bord. Puis un première saute d’émotion survient, la meuleuse nous lâche un
samedi à midi, tous les magasins sont fermés, le stratifieur vient lundi, il
faut que j’ai terminé le ponçage. On part à la recherches de solutions et c’est
comme souvent aux ordures que la solution se trouve. Je tombe sur une meuleuse
cramée dans les poubelles du chantier, avec la notre j’arrive un trafiquer un
combo des deux, ça tourne, nouvelle saute d’émotion!!! Il m’aura fallu une
demi-journée complète pour découvrir la résine, à ramper dans les soutes la
meuleuse hurlante à la main dans ma combinaison, le nuage de poussière dense
m’empêchant d’y voir à 30cm et déposant une couche de poussière tellement
épaisse qu’elle faisait disparaitre mes orteils. Inutile de vous dire que
l’aspirateur de table de bord n’a pas aimé la plaisanterie… Chapeau bas à ceux
dont c’est le métier!
Enfin le lundi nous posons la cloison avec le stratifieur, tout est préparé, la cloison neuve à été tracée et découpée, elle se présente bien du deuxième coup. Finalement on découvre qu’à part le ponçage, le travail de la résine est très intéressant, on s’aperçoit de ses qualités au niveau résistance mécanique. En une journée c’est réglé, Deb gère avec efficacité la finition et la peinture époxy, ma pauvre carcasse est affalée dans la cabine, accusant à nouveau le coup d’un mauvais effort, dos bloqué… C’est l’occasion de rencontrer Un couple d’ostéo super efficaces, Deb profite aussi de l’occasion, J’en prends pour une séance et deux pour Deb, nous sommes tous neufs !
avant |
dégommage et meulage |
pose de la cloison neuve |
après |
coté soute à voile |
coté cabine, avant |
après |
Nous ne perdons pas le contact avec Alain et Serge malgré la
passion apportée au chantier, on est invité à un méchoui, l’occasion de
décrocher en se fondant dans une petite foule d’amis, ca fait du bien.
L’occasion aussi d’assister à une chute de noix de coco sur un être
humain : c’est une arme! Chacun son tour, la noix de quelques kilos
choisit le dos de sa victime, laquelle en tombe à genoux, pas joli… Un choc
crânien doit pouvoir être très désagréable… Je flippe, je ne veux plus qu’on
marche sous des cocotiers!
Le bateau de Loulou, le Mélody, vient aussi nous tirer de
notre occupation. Vous vous rappelez? Nous sommes chargés de le mener au
carénage, petit trajet, grande source de saute d’émotions puisque dès le début
de la manœuvre nous prenons un bout dans l’hélice, il faut plonger pour
démêler. Enfin nous arrivons à bout, le bateau est au sec, nous ferons le
trajet retour dans 4 jours, bon exercice de sortie de l’eau.
La quille, c’est son tour, reçoit aussi son petit soin à
base de quelques retouches à l’époxy. On se sent pousser des ailes avec ce
nouveau matériau, loin de le maîtriser mais suffisamment pour s’amuser. Encore
une petite saute d’émotion, en plein jus on tombe à cours de spatule alors que
le chrono tourne, petite panique de débutant, la matière chauffe et durci vite.
Des vieilles cartes de bus de Panama City et de sécu française nous sortent d’affaire,
bon à savoir.
Puis c’est au tour du safran de nous donner quelques signes
d’alarme, grincements douteux… Faudra t il le déposer? Non, la dépose et le
graissage de la tête de mèche suffisent, content!
Notre ami Bernard nous rejoint en mettant aussi son bateau
en carène, nous étions voisin quand nous logions dans le bateau d’Alain. C’est
un personnage très attachant, un vieux loup de mer, une encyclopédie du bateau,
en gros, une super compagnie et un atout de force pour retaper un bateau. Son
séjour ne concerne pas que le carénage, nous allons participer à notre premier
démâtage à la grue.
Deb est sous la grue pendant que le mat commence à danser |
Par souci d’équité notre mât reçoit également de la visite,
il me faut pas moins de 3 ascensions en tête sans sécurité pour parvenir à
passer la première drisse, à laquelle je peux enfin m’assurer. Puis les drisses
s’enfilent et retrouvent leur place dans le mât, leur stockage avec leurs
repères dans un coffre fut salutaire, elles sont en excellent état.
le gréement courant |
Les travaux s’enchaînent, les énumérer tous serait barbant,
je livre les plus croustillant. Quoi qu’il en soit cet endroit nous met en
confiance, tout adapté au débutant qui se lance dans l’aventure à la voile, je
vais radoter mais vraiment les gens ont un sens du partage aiguisé. On peut
compter sur n’importe quel artisan du chantier pour des coups de mains, des
conseils, ils n’hésitent pas à lâcher leur poste de travail dès qu’on les
sollicite (même pour faire le taxi vers l’ostéo), je crois que c’est la
politique de ce chantier qui le rend agréable pour nous, débutants. A
recommander : CNI!
C’est en cette période de grâce que l’avion qui contient
notre Ronan met le cap vers nous. Nous récupérons le colis de nuit et rentrons
au chantier à la lampe de poche en annexe, l’occasion de s’échouer pas moins de
3 fois dans 30cm d’eau, looser! Grandes retrouvailles, le nouvel arrivant
découvre notre joujou, émotions et émulsion d’excitation, hâte du lendemain
pour attaquer le boulot.
un manouche de plus au chantier |
Le premier chantier qui nous attend est de taille : le
moteur. D’abord les vidanges, entretien de base et ketchup général. Nous avions anticipé en
commençant à traiter le circuit de gasoil avec Deb quelques jours plus
tôt : siphonages test pour retirer l’eau et les algues du reservoir et des
filtres. Ronan ne met pas longtemps à trouver un raccord défaillant, en me le
montrant du doigt le raccord cède, la rouille s’effondre… Bernard,
help !!!!! Immédiatement nous avons
les informations, il s’agit d’un raccord banjo, introuvable, à commander.
Guidés par notre motivation nous écumons les poubelles à la recherche d’une
solution… Qui cette fois ne vient pas. Nous préparons ce qu’il reste de métal
non oxydé de la pièce défectueuse et l’apportons à une boite de chaudronnerie.
Le type de réparation est clair et le mode opératoire est sans secret pour
Ronan : une soudure au TIG moyennant 10 minutes maxi de temps de travail.
Ah l’étrange enfilade -non pas des cabines d’essayage- que l’on ressent lorsque
on nous annonce le prix et les deux heures de travail qu’a nécessité la réparation.
Dans le guide des bonnes adresses à Raiatea, un bémol pour Marine Alu…
la réparation |
Une fois la pilule passée la pièce est adaptée (pour ce prix
là on a du repasser derrière) et le circuit de gasoil est à nouveau étanche. Le
test de démarrage à sec peut débuter. Mise en place : le moteur pompe de
l’eau de mer pour refroidir le moteur, à sec il faut détourner le circuit pour
pomper l’eau d’un seau que l’on rempli simultanément, amusant. Quelques tours
de clés sont nécessaires pour déclencher l’explosion, enfin il tourne, les
sourires sont sur tous les visages, le mécano du chantier vient authentifier la victoire, grande émotion!
L’électricité y passe, on devra y revenir à Taravao lors du
changement du parc de batterie. Des ascensions au mât se succèdent pour peaufiner,
on doit faire des tours tellement nous sommes volontaires pour ce travail. La
bôme est descendue pour « ramonage », encombrée pas quelques nids de
guèpes, le gréement courant qui la traverse est installé après avoir été
rafraichi à l’eau. Les winch sont démontés, nettoyés et graissés. Le pilote
auto est visité, échec, report de réparation pour Taravao. Quelques dernières
retouches à l’époxy sur la coque et enfin le ponçage et la pose de
l’antifouling!
première ascension de Ronan |
les winchs, belle mécanique |
enfin l'antifouling! |
Nous sommes parés pour la remise à l’eau! Le bateau est relevé, le ber posé sur la remorque, nous roulons en direction de l’élément aquatique, un air joyeux vient taquiner notre quotient émotionnel, encore. Puis l’inclinaison, la descente vers les abîmes, et, comme par enchantement la flottaison. Vérification de la cale, des passes coques, pas d’eau, on nous libère. Je découvre le répondant de la barre à roue, impeccable, le bateau glisse vers le ponton auquel nous nous amarrons.
On se félicite chaudement à la bière tandis qu’une traitrise
émotionnelle se prépare à notre insu, la bière descend, l’eau monte… L’alarme
est donnée par Deb après 2 heures de flottaison, les cales se remplissent
grassement, c’est salé, c’est une voie d’eau… nous ne trainons pas à identifier
le sail drive comme responsable, on voit l’eau qui reflue en quantité un peu
inquiétante. Immédiatement nous prévenons le chantier, le mécano nous guide par
tel, ses compétence ne le trahissent pas, d’après nos explication il nous guide
vers l’admission d’eau (qui arrive via le sail drive), twingo, la durite est
sectionnée. Intervention, pompage, démontage du tuyau et rengaine
habituelle : il faut commander… Notre cher parc à poubelle reçoit notre
visite, classique, une fois de plus il fait notre bonheur, nous raccommodons
deux durites en passant par le don d’une chute d’aluminium de Marine Alu (ils
se rattrapent), et la fuite est contenue, ouf, le bateau ne ressortira pas…
enfin pas tout de suite…
longue séance de pompage |
Il aura fallu attendre de se rendre compte que le robinet de la cuisine ne tire pas d’eau et de plonger pour le ramoner (nid de guêpes), pour tomber nez à nez avec l’horreur. A travers l’eau trouble du port je distingue notre ticket de sortie de l’eau assuré. C’est l’ultime descente émotionnelle, la fatale… La liaison quille / coque est en train de se déchirer dans un spectacle navrant…
no comment |
Le chantier est prévenu, photo à l’appui, le précédent
propriétaire à fait faire des travaux à ce niveau là (entre autre), la
responsabilité du chantier est engagée, on nous organise donc une sortie aux
frais du chantier. Ca fait maintenant 24h que nous sommes à nouveau à sec, 24h
d’une épuisante montagne russe émotionnelle. Un ouvrier aux compétences
reconnues s’est penché sur notre cas, le verdict est douloureux, une varangue à
lâchée, l’ossature même du bateau, des déformations apparaissent déjà dans le
mobilier. On s’imagine déjà l’horreur. Cette varangue à fait parti du carnet de
travaux effectués ici, sans même devoir esquisser une bataille, le chantier
reconnait sa faute et met tout en œuvre pour nous prouver leur bonne foi et
leur embarras. Oscilloscope. Immédiatement on nous indique que nous paierons
rien, à partir de maintenant tout est gratuit, on met sur le coup l’ouvrier
compétent, la fine fleur du CNI. Le bateau est calé avec grand soin, on nous
annonce que les travaux vont être très lourds, nous ne pourrons pas habiter à
bord, l’ouvrier compétent est aussi généreux, il nous propose de loger sur son
bateau, on nous propose même d’investir le bateau du patron du chantier. Nous
choisissons celui de l’employé, un mec en or, encore. Dernier problème,
l’intervention nécessite de mettre la coque à nu à l’intérieur, dans le secteur
de la varangue, il faut donc démonter et tailler dans une grande partie de
l’aménagement, le bloc cuisine doit disparaitre pour l’intervention et aucun
menuiser n’est disponible immédiatement. Nous nous proposons donc de faire
ce ménage nous même. Cette proposition renforce nos rapport avec le chantier,
en échange de ce coup de pouce l’intégralité de notre séjour est défrayé, notre
ardoise est effacée. Ce geste de bonne foi nous va droit au cœur, on prend soin
de nous et de notre satisfaction future, nous ne perdrons que du temps. JOIE.
Nous sommes malgré tout très confiant dans ce bateau et cet
achat, nous sommes assurés d’une réparation de compétition, même si un instant
nous avons douté de lui, une longue histoire nous attend, nous et ARUMBAYA,
nouveau nom de notre cher bateau…