Quelques mots pour commencer….
Le brouillon de cet article traîne dans les méandres de
la mémoire de l’ordinateur depuis longtemps mais quelques fâcheux événements
m’ont coupé dans l’élan au point d’ignorer le blog. Pourtant il est difficile de
passer à coté des nombreuses réclamations des lecteurs qui se demandent ce que
nous devenons. Nous rencontrons des inconnus sur les pontons qui nous lisent,
des messages de lecteurs assidus, ça fait vraiment plaisir et ca me remet dans
le jus… Je pense notamment à François Hérion qui nous suit depuis les Canaries
je crois, merci beaucoup!
Voici donc la suite avec pas mal de retard…
Tout d’abord bravo aux quelques Tintinophiles cultivés
(il en reste) qui ont fait le lien entre le nouveau nom de notre bateau :
Arumbaya, et L’Oreille Cassée. En plein dans le mille, on charrie suffisamment
l’audition désastreuse de Deb pour passer à coté de l’oreille cassée. La
statuette des Arumbaya contenant un diamant (n’est ce pas les tintinophiles?),
ça fait un lien avec l’ancien nom du bateau, La Rabasse, la truffe, le diamant noir.
Maintenant j’imagine que vous voulez tous savoir ou en
est l’expédition? Elle va bien! Oui, on a traîné à donner des nouvelles mais
c’est qu’on vit à fond la caisse, pas de vacances pour les vrais gars! Celle là
c’est pour les Lascarophiles.
C’est vrai qu’aux dernières nouvelles ça faisait un peu
sauve qui peut, chacun pour nous. Mais par chance, la force était avec nous
(Starwarzophiles). D’autres appelleraient ça l’Alliance… Finalement le bilan de
cette première épreuve s’avère très bon, on passe au niveau supérieur en
réparation de bateau, Arumbaya n’a plus aucun secret pour nous.
Une fois sortis de l’eau et calé avec grands soins, le
grand dépouillement à commencé en vue de la réparation de varangue. Il a fallu se faire un peu violence pour attaquer le
démontage avec en arrière pensée la certitude d’en prendre pour un bon mois de
retard, nous qui étions sur le «départ ».
Il faut dire que nous avons été «coaché », d’une
part le chantier nous mettais en confiance en nous proposant aide, locaux et
défraiement, quelques voileux de passages qui
ont fait don de nourriture, de matériels, de matériaux et de soutient,
et enfin le super coach : Sylvain, l’homme de la situation!
Sylvain est donc le sympathique artisan patenté à qui ce
genre de réparation structurelle sur un voilier ne fait pas peur. Seul bémol,
sa disponibilité. Il confie donc les travaux à un malheureux a qui il allait
falloir endurer 3 jours de ponçage de fibres de verre en milieu clos. Or ce
malheureux est vendéen. Nous avons même des amis en commun. Inutile de chercher
plus loin ça colle tout de suite avec Freddy, voilà 3 ans qu’il est arrivé en
Polynésie, il a parfaitement pris le pli et porte plusieurs caxettes :
soit matelot de pêche sur un poti marara (attention, pêche sportive !!!),
soit artisan sur le chantier naval ou enfin peintre calligraphe, c’est
simple : les locaux l’appelle Picasso.
Freddy n’est pas intervenu tout de suite, il a du
attendre que nous découvrions toute la zone à réparer du bateau. On s’est
arraché les cheveux pour le démontage, l’ameublement à été posé en usine dans
la coque avant que le bateau ne soit ponté, rien n’est facilement démontable,
il faut couper de la fibre, arracher du bois, et creuser jusqu'à découvrir tout
le carré, la table a carte, la cuisine, la salle de bain, la descente… Une partie d’un hangar du chantier nous a été
prêté pour le stockage. La bonne nouvelle c’est qu’on a fait un inventaire de
toute la menuiserie pourrie et qu’on a pu se l’envoyer immédiatement. Sylvain
venait faire son petit tour chaque jour pour jauger l’ampleur du travail à
faire à mesure que la varangue se découvrait, il venait de nous prêter son
bateau au mouillage pour le temps des travaux, ca collait déjà très bien entre
nous!
c'est parti, le bloc cuisine... |
... la table à carte... |
... et finalement tout le reste... |
premières vues sur la varangue |
identifications des dégats |
déchirures et décollements |
on poursuit avec la salle de bain, on peut passer le doigt a travers la cloison |
la descente s'écroule d'elle même |
le grand dépouillement dans le chaos |
Une fois le ventre du bateau vide et protégé comme une
salle de mise à mort dans Dexter, Freddy à pu plonger dans le chaudron du
diable, il a disparu dans la vapeur et la poussière de ponçage en quelques
minutes, en faisant hurler sa meuleuse contre la coque, seul signe de vie que
nous recevions de lui depuis l'extérieur.
la varangue n'attend plus que Freddy |
Ainsi les travaux structurels massifs étaient engagés,
Freddy avait trois jours d’infâââme ponçage devant lui, on s’est attaqué sans
tarder à la menuiserie, cette fois on nous a proposé un hangar entier… Chaque
élément de bois pourri ou faible est remplacé, on récupère tant bien que mal
les vieux gabarits pour s’épargner un douloureux traçage, l’atelier ronronne du
matin jusqu’au soir tous les jours de la semaine, Deb est Ponçeuse, Ronan est Sauteuse et je suis Circulaire. Tout y passe,
du plancher, de la cloison de salle de bain, de la descente, du carré,…
s
tous les soirs nous rentrons au mouillage... |
...durant 3 semaines nous logeons à bord de la Fée, le bateau de Sylvain |
L’atelier peinture approchant il a été décidé de
renouveler l’intérieur, afin d’atténuer le vernis massif. Je passe sur la
taille du débat qui a nous animés plusieurs jours sur la teinte du blanc à
appliquer. Finalement on y est arrivé, se sera du blanc. Pris de folie
décorative on s’est lancé dans la reproduction d’une raie façon tatouage
polynésien en pochoir sur une porte, il aura fallu deux jours pour reproduire
le dessin sur un quadrillage de sotch, le découper, gratter le vernis entre les
scotchs et finalement… foirer complètement la peinture…
Pendant ce temps Freddy, qui n’était pas mort à la tâche,
avait fait le ménage dans sa grotte (notre bateau) et passait à la phase
reconstruction des éléments endommagés : varangue et quille, en
languissant le vendredi soir, l’incontournable apéro du chantier ou sont invité
les usagers. C’est donc autour d’une Hinano fraiche que nous apprenions les
talents de Freddy pour la peinture, trompes l’œil et calligraphie entre autres.
Bingo, nous lui confions le rattrapage de notre raie, un dessin sur une autre
porte (un margouya), et le remplacement du nom sur le bateau.
C’est à peu près à cette période que Claudie et Paul ont
remis leur voiler à flots. Je ne crois pas avoir déjà parlé d’eux, pourtant
nous les fréquentions depuis nos premiers jours à Raiatea. C’est un couple
assez âgé (Paul à 88 ans), mais les aventures de leurs vies ne tiendraient pas
dans une bibliothèque, en faisant court, 15 ans à vivre dans une Jeep à
parcourir l’Afrique pour faire des reportages, animaliers surtout, amoureux du
Tchad et du Soudan, leurs bobines de films et leurs articles leurs ont permis
de vivre de leurs conférences à travers le monde une fois qu’ils sont revenus
au moyen de locomotion à la voile. Paul était déjà fort d’une transat effectuée
en 1952, cette année là 3 voiliers de plaisance ont traversé l’Atlantique. Ils
se sont ensuite casés en Polynésie, ont fait naufrage avec leur trimaran, sont
repartit de zéro avec un voilier vide et, ayant perdu leurs bobines, se sont
lancé dans la chasse au coquillage de collection pour pouvoir vivre. Désormais
ils viennent de finir leur dernier carénage comme ils disent, le bateau de
retraite restera amarré au ponton d’Uturoa, si vous les voyez, passez le
bonjour de notre part!
Un peu de relâchement du coté du planning, Ronan et moi
nous sommes mis à la pêche au harpon, on s’autorise quelques débauches précoces
pour rejoindre le platier en annexe. Après quelques débuts difficiles on a noté
rapidement des améliorations dans la technique de chasse et dans l’apnée. Nous
avons une «assistance » à la descente rapide, il s’agit d’une ancre à
laquelle nous nous accrochons et qui nous amène jusqu'à dix mètres (longueur du bout). Si la décompression est
bien faite on se retrouve au fond sans effort, les poumons pleins. Nous sommes
accros, c’est addictif! Et pour l’ambiance il n’est pas rare de croiser
quelques requins pendant la pêche, pour surveiller les quotas…
rougets |
perroquet |
Pendant ce temps là Freddy se noyait dans les effluves de
résines (il est vaillant, hein ?), et terminait sa part du chantier :
varangue réparée, consolidée, repeinte, ainsi que la quille, super boulot! Nous
avons pu rapatrier le chantier à bord.
Sylvain est resté notre référent pendant tout le
chantier, sur ces bons conseils nous profitions du chaos qui régnait à bord
d’Arumbaya pour renforcer les reprises de cadènes, le travail de l’époxy me
plait de plus en plus, ça tombe bien Deb et Ronan ne courent pas après,
préférant se tourner vers la peinture, le polissage de l’inox de l’épontille,
ou la repose des passe coque.
Puis son tour est arrivé : le vaigrage, le plafond
en lambeau. Arraché sans sommation il a été remplacé par des panneaux de
comasel (PVC), ce qui a entraîné des modifications d’adaptation, surtout autour
des 2 hublots de roof. La découpe et la pose du vaigrage s’est très ben
déroulé, en revanche toute la bonne volonté apportée à la réalisation de l’étanchéité
des hublots n’a servit à rien, Ils pissent drus à chaque averse, nous avons
bien tenté des les recoller à nouveau, mais rien y fait, à l’heure ou j’écris
il pleut encore sur Deb qui est en train de dormir.
collage des contres cadres |
vaigrage terminé |
descente toute neuve |
5 semaines de chantier sans un jour de repos, les réveils sont de plus en plus douloureux...
Plus d’un mois de chantier plus tard nous avons enfin pu
commencer à remonter notre bateau, le plancher revient, les cloisons, les
éléments de cuisine, les volumes, les finitions, et finalement la remise à
l’eau. Pas simple… Pas du premier coup disons… Un des passe coque en avait
décidé autrement, nouvelle sortie, réparation express puis dernière mise à
l’eau, la bonne? Oui, mais. Mais encore une fuite, sur un autre passe coque.
C’est trop, réparation effectuée à flots, passe coque bouché à la pinoche,
changement de vanne, et voilà, on flotte!!!!
dégouté, fuite d'eau, il faut ressortir, damned! |
A quai dès le lendemain, enfin!!!!! |
Parallèlement nous avions déjà repéré un certain bateau
sans vie dans le port à sec pendant les travaux, un bateau au nom moins célèbre
que feu son capitaine, mais connu de nombre de passionnés, un certain Tamata de
Bernard Moitessier… La belle histoire commença lorsque la vie à repris sur
Tamata, Véronique, la dernière femme du célèbre navigateur venait de gagner le
bord et d’amener le fier navire sur la zone de travail, dernier mouvement avant
la remise à flots. C’est un apéro du vendredi qui s’est chargé de nous
rapprocher elle et nous, d’une part nous étions très attirés par le mythe qui
gravite autour de son bateau et nous brulions d’impatience de discuter avec
cette femme. L’envie était réciproque, Véronique à rencontré Bernard en faisant
du bateau stop, elle se retrouvait un peu en nous 30 ans plus tôt. Quelques
jours plus tard nous étions voisins de ponton, comme quelques navigateurs de
passage nous avons participé à la remise en état de Tamata, Ronan en premier
rang était le plus touché et le plus volontaire, à lui seul il s’est envoyé le
mât (ponçage et peinture) ce qui lui a vallu l’honneur ultime : démarrer
le moteur de Tamata à la manivelle. Lorsqu’on monte sur ce bateau on a
l’impression de pénétrer dans un livre de moitessier, son univers, tous les
schémas qu’on croise dans ses bouquins, tout y est, le renvoi de barre à l’intérieur
du bateau, le réchaud à pétrole suspendu, les photos, les cordages. Le mythe
est palpable. On programme de faire une sortie ensemble sur Tamata…
Véronique |
Mais de sorties nous n’aurons pas eu le loisir d’en faire
beaucoup - pas à bord de Tamata en tout cas, pour le plus grand malheur de
Ronan - Sylvain nous a emmener mouiller dans le bleu clair d’un motu à bord de
son bateau avec sa femme Amandine et Oana, la petite. Super sortie, rigolade et
bonne humeur, vraiment on se bien à Raiatea avec ces gens, le départ est proche
pour nous, c’est dommage! Ca n’a pas empêché
Amandine de tenter de nous refiler un chiot, Nous avons céder pour le
garder une semaine. Il s’en est fallu de peu que l’on craque à l’issu de cette
semaine, finalement c’est Amandine et Sylvain qui ont craqué, ils ont gardé le
chiot et l’on appelé Arumbaya.
Notre tour arriva enfin, le jour ou tout fut prêt pour
notre première sortie en lagon avec Arumbaya. Aussitôt les voiles hissées nous
prenons de la vitesse, tout ardent qu’il est, il file formidablement, on est
conquis! Les sourires sur toutes les faces, on navigue, première nuit au
mouillage dans la baie d’Apu à Tahaa. De là il ne nous manquait plus qu’a
trinquer un dernier vendredi soir pour prendre le large le samedi matin.
Distribution d’adieux, photos de groupe, au revoir les
amis, nana, nana Raiatea!
En route pour Taravao, franchissement de la passe de Miri
à 10h le matin, c’est nous les capitaines, euphorie à bord… En ligne droite il
y a 150 milles à parcourir, au pré ça fait un plus, tout se déroule bien
jusqu’au soir, jusqu'à l’heure de mettre plus de toile, pas sur le bateau, sur
le bonhomme, ça caille. Eh alors quoi? C’est quoi cette connerie? Comment ca
pas de vêtements? A aucun moment on a pensé à embarquer les tenues de quarts ou
même une veste… Ca caille… Il faut rappeler que nous n’avons aucune autonomie
électrique, donc pas de pilote, donc 2h
de barre toutes les 4h. Les 4h se divisant en 2h d’assistance au barreur pour
les manœuvres et 2h de repos pur. A cela Deb à gratifié les éléments d’un petit
vomito, nous avons donc fait double quart avec Ronan, ce qui nous a mené à une
bonne fatigue dès le lendemain matin. La journée suivante s’est déroulé sous la
pluie, a renfiler des fringues trempées à chaque quart, pas top… En l’absence
de compas digne, c’est la girouette qui nous montre la route, indiquant sans
relâche Taravao, une chance, sinon il aurait été difficile de tenir un cap avec
un compas bloqué…La fatigue et la pluie ont eu raison de nous, ordre à été
donné à 22h de se mettre à la cape, ce qui nous a permit de dormir chacun au
moins 4h et de reprendre sous un ciel plus clément au milieu de la nuit. Le
vent à été avec nous jusqu’au matin suivant en nous permettant de laisser
beaucoup de milles derrière nous et de
voir Tahiti au lever du jour. Guidés par notre empressement on a longé la cote
ce qui nous a valu d’être complètement déventés à 10 milles de l’arrivée, qu’a
cela ne tienne, un changement de courroie et on termine au moteur.
***
Taravao, le retour… Nous n’aurons pas jouit longtemps de
notre euphorie d’après navigation, c’est par une nuit au mouillage que la
nouvelle est arrivée, le téléphonne insistant dans le silence nocturne, et pour
cause… La sœur de Ronan qui se bat contre le cancer arrive dans une phase
délicate… Sans l’ombre d’un doute notre équipier doit rentrer d’urgence en
France occasionnant un déchirement total de notre humeur et de notre
motivation! Nous pensons très fort à Anaïs et toute sa famille, ainsi qu’à
Ronan, notre équipier Deluxe, qui a laissé un vide derrière lui… Nana Ronan!
Ainsi s’achève tristement cet article, bien sur c’est
agréable de se retrouver en couple mais nos pensées nous empêchent de prendre
notre pied. La remise en état d’Arumbaya se poursuit, il ne faut pas mollir, le
phénomène « el niño » est plus fort que l’année passée, le risque de
cyclone est donc élevé, il ne faudrait pas s’attarder ici et comme nombre de
navigateur partir vers l’est d’ici 2 mois maximum et gagner les Marquises pour
être plus à l’abri…
Bisous à tous ceux qui nous lisent, a bientôt!!!!