Chauds bouillants nous sommes ce samedi matin pour partir à
l’assaut de nos premiers milles grandeur nature avec Arumbaya. La tête un peu
en vrac pourtant, contre toutes mesures de préservation nous avons cédé à
l’appel de la boisson la veille lors du « pot de départ »…
9h00 du matin le moteur démarre, le corps mort est laché,
direction la passe de Vairao puis cap vers les Tuamotus, plus précisément
l’anse Amyot dans l’atoll de Toau. Cette escale nous été recommandée par notre
ami Guy car l’anse ne communique pas avec son lagon, ce qui évite de nous
soucier du marnage pour l’accès aux passes des atolls, soumis à de très forts
courants pendant les marées.
Nous
nous voyons complètement excités pendant la traversée du lagon de Taravao, nous
réalisons que nous partons enfin vers l’aventure, on s’encourage, on se
félicite, on savoure, on jette à la mer des bouquets de fleurs que Deb avait
préparé! Puis le franchissement de la
passe, la houle d’entrée de jeu, le vent dans la face, ambiance moteur et
tangage, il faut compter 4 heures pour passer la pointe sud de la presqu’île.
Largement suffisant pour nous voir effacer nos sourires, changer de couleur et
regretter d’avoir picolé la veille. Nous tombons comme des mouches.
Quand on rote ça as un goût de chocolatine au foie de taupe
rancit. Pas bon signe, l’affrontement avec le mal de mer est inévitable. C’est
ainsi que nous nous sommes vu tout les trois au dessus du balcon arrière en
levant les fesses à chaque contractions abdominales, avec le même rythme que
cette houle croisée. Piètre reflet de notre image de grands marins en herbe,
tous les trois connecté à l’océan par un fil de bave extensible en tentant de
nous persuader : « le bateau, c’est cool ?!?! ». Heureusement
nous connaissons la parade contre les nausées, le vogalène en suppositoire.
Seulement l’opération n’est pas simple, tant du point de vue logistique que
pour la dignité du bonhomme… il faut se motiver pour descendre dans l’antre du
bateau, brassé, la tête en vrac, des relents huileux de foie de taupe laissant
une haleine de braguette de marin, se vautrer dans le carré, les 4 fers en
l’air, et tenter d’envoyer la petite torpille en orbite gastrique… De
motivation Ronan en manque lorsqu’il annonce à la cantonade préférer mourir que
de descendre dans le bateau, puis s’excusant de devoir pratiquer la médication
annale ici, dans le cockpit, devant nous, au risque de perdre de sa superbe.
Grand fou rire général, la thérapie par l’humour…
Dès
que nous passons la pointe Arumbaya pointe le nez vers Toau, 250 milles au nord
est, le moteur est coupé, le près est serré, on file en quittant Tahiti qui
s’éloigne sous la grisaille, Ronan et Deb dorment, tout le monde reprend
doucement ses forces. Long premier quart de 6h pour la première nuit, je laisse
l’équipage dormir alors que j’ai
retrouvé mon aise, je prends un pied énorme.
Le lendemain matin le soleil est au rendez vous et ne nous
quittera pas jusqu'à notre escale, la mer est belle, la houle gentille et
surtout : le pilote fonctionne!!! Pour l’instant. On avait tous la crainte
d’une traitrise à son sujet, confirmée par l’alarme soudaine de la commande
NKE : courant électrique trop important. Le moteur qui alimente la pompe ne
tourne plus, une cosse à fondue. Damned. Malgré un demi tour du monde avec Deb
nous n’avions jamais eu recours à l’amarrage de la barre au près, le bateau
navigant au cap grâce à l’équilibre de la voilure. Nous ne tardons pas à
trouver qu’Arumbaya se comporte au mieux GV arisée à fond et génois en entier,
ca marche tellement bien que lorsque la houle n’est pas forte il n’y a même pas
besoin d’amarrer la barre, finalement cette panne de pilote est très bien
digérée, la vitesse et le cap étant bon. On se paye une moyenne de 6,3 nœuds
sur 13 heures, content nous!
En découvrant le décompte de milles parcourus durant la
seconde nuit nous espérons arriver avant la nuit suivante, mais la distance
restante est élevée, nous appuyons notre près au moteur, pointes à 8 nœuds, Le
bateau se comporte super bien, ca file!
Les premiers atolls des Tuamotus apparaissent comme des cocotiers flottants, ca un déjà un gout de victoire.
Après une navigation sur un bord le bateau se présente
devant le balisage de l’anse Amyot dans un décor de rêve en fin d’après midi, à
bord un malaise viens de se créer, il s’agit d’une traitrise moteur. Il est
passé en mode binaire, c'est-à-dire qu’il n’accepte de travailler qu’au dessus
de 2000 tours, en dessous il cale. L’anse est étroite nous visons un corps mort
et il s’agit de ne pas le rater car le courant est fort et le récif assez
proche. Par chance la vitesse du courant annule celle du moteur et nous
cueillons notre bouée en douceur, le moteur déjà calé.
Un décor paradisiaque s’offre à nous, nous mouillons dans 11 mètres d’eau, on voit le fond, c’est très poissonneux, une plage en soupe de corail, des cocotiers, quelques cabanes qui s’avancent au dessus de l’eau prolongées par un ponton. C’est de ce ponton qu’est parti un vieux bateau à moteur en bois dans notre direction, il s’agit de Gaston, l’un des 4 résidents de cet atoll venu nous souhaiter la bienvenue, sa barque est pleine de poissons qu’il vient de sortir de son parc, il nous propose d’en choisir plusieurs, nous avions rêvé d’une carangue en naviguant, il nous en offre une en nous annonçant qu’on peut rester le temps qu’il faut sachant notre panne moteur.
Le temps de souffler de notre nav nous suspendons notre
poisson frais au balcon, goutant quelques gouttes de sang dans l’eau. En un
instant des ailerons sortent de l’eau en passant à ras de la jupe, requins gris
et pointes noires, il y en a de plus en plus, notre projet de baignade est mis
à mal… Ce n’est pas grave, nous sommes
hypnotisés par ces bestioles. Ronan tente de prendre quelques photos sous
marines grâce à une perche pendant que je jette les tripes de la carangue,
impressionnant! Puis nous essayons de faire un test de traction en attachant la
tête du poisson à une garcette retenue par le bateau. C’est le requin gris qui
s’est déchainé dessus, il n’a rien lâché, sautant, battant de la queue,
frappant la coque du bateau puis finalement la garcette s’est rompue… on est
scotché! Les projets baignades sont abandonnés! On savoure notre fatigue dans
cet endroit.
un peu de jus de tête pressé pour appater |
immédiatement les requins remontent |
ça y est, notre requin ne veut plus lâcher |
la traction sur le bout est énorme |
acharnement, |
sauts, et rupture du bout... |
Le lendemain nous nous rendons sur l’atoll dans le but de
remercier Gaston, nous ne trouvons que sa femme, Valentine, à qui nous donnons une
partie de notre avitaillement : du tarot, des feïs, et une demi-terrine de
mousse de canard que nous n’en pouvions plus de roter. Le contact passe très
bien, ils sont habitué à voir passer des voiliers, c’est une partie de leur
ressource, et servent des repas pour les plaisanciers de passage. Le reste de
l’activité est entretien de la cocoteraie et fabrication de coprah (chère de
coco séchée vendue à la coop de Tahiti pour la réalisation du monoï), entretien
des parcs de pêche et revente du poisson à l’atoll voisin Fakarava puis enfin
entretien de l’atoll en général, des habitations, de l’autonomie (récupération
de la pluie, installation solaire, générateur,…), et là aussi préparation au
cyclone… Un quotidien très rempli pour avoir la récompense de vivre en dehors
du monde dans un décor de carte postale. On nous rassure sur la présence des
requins, ils ne s’intéressent à l’homme que pour sa pêche, non pour sa chair.
Baignade!!!
prélevement de poissons dans l'un des parcs |
l'eglise |
dans la partie sauvage de l'atoll c'est un vrai labyrinthe d'euphorbes |
Parallèlement les listes des choses à revoir à bord diminue,
la panne moteur nous résiste, la réparation sera effectuée aux Marquises, nous
pouvons nous en servir dans l’état jusque là. Le pilote en a eu pour son grade,
il s’agissait d’un charbon sur le moteur qui faisait mal contact avec la
bobine, vite réparé.
Les contacts avec Guy continuent, c’est véritablement notre
homme météo, il nous conseille de saisir la fenêtre météo qui sera
opérationnelle dans 2 jours.
Après avoir remercié nos hôtes et en leur promettant de
leurs apporter des citrons et un pied de pamplemousse à notre prochain passage,
Arumbaya reprend le large, cap Marquises. Nous faisons fit de la houle, le mal
de mer ne nous atteins absolument pas, l’amarinage est bien terminé. Rapidement
nous pensons parcourir les 500 prochains milles sur le même bord, mais un petit
changement de vent et donc de cap (près toujours) nous pousse à prendre
exagérément du nord pour esquiver les îles du Roi Georges de nuit alors qu’on
nous avait prévenu à Tahiti que sur certaines cartes (les nôtres), ces îles
étaient mal positionnées. Navigation au radar et avec l’aide du moteur pour
assurer sa consommation électrique, au petit matin ces îles sont dans notre
sillage, ouf, plus d’obstacles jusqu’aux Marquises.
Petit à petit Deb se plaint de douleurs dentaires
insistantes et inquiétantes, elle à de plus en plus mal, sans parvenir à
prendre la décision de faire demi-tour nous changeons nos prévisions et visons
l’île de Nuku Hiva ou il sera certain de trouver un dentiste. La douleur aura
duré quelques jours en empiétant sur les humeurs de deb puis sera partie avant
l’arrivée. On maintient quand même, dentiste oblige.
A force de dormir à chaque période hors quart on finit par
être las de la position horizontale et doucement des activités prennent
forment, cuisine, lecture, jeux, et surtout pêche! Dès la première mise à l’eau
d’un leur ca mord, mon nœud cède… A la deuxième ca casse… A la troisième aussi,
on perd l’hameçon, notre leur est lacéré et on relève des traces de dents dans
le plomb… pour la quatrième nous optons pour le bas de ligne acier, bingo!
Pendant mon quart, au lever du soleil. Je la tente en solo, lorsque le fil part
je roule rapidement la quasi-totalité du génois afin de réduire l’allure sans
permettre au bateau de tourner sur lui-même en enroulant la ligne autour de sa
quille ou son safran. C’est gros, ca tire. Au moulinet je ne peux pas le
ramener s’il ne me donne pas un peu de mou (nous avons un moulinet de merde).
La bête ne monte pas à la surface, donc à priori pas d’espadon au bout, un
thon? Je ne peux la situer qu’en suivant le fil qui plonge dans l’eau, pliant
la canne en U, le fil décrit un cercle qui commence à doubler le bateau, je
pense à la quille, il doit rester derrière le bateau. J’aide donc le moulinet en
tirant sur le fil à main, la bonne faute du débutant, ca marche j’arrive à le
ramener vers la surface, c’est un tazar. C’était trop facile, la lutte n’est
pas terminée, il retente sa chance en sondant, naturellement le crin m’a filer
entre les phalanges, brûlure immédiate… Pourtant c’était évident… Je dois
lâcher, tout le fil remonté repart, le bout de la canne casse en amortissant la
tension mais il est toujours au bout. Vite, réveiller Ronan, tout seul c’est
difficile, il faut le piquer avec la perche pour avoir une chance de la
remonter. Finalement avec une paire de gants de cuisines la remontée s’est
mieux déroulée, même si la force du tazar m’a fait perdre l’équilibre quelques
fois, Ronan à assuré en le piquant dès que possible et en le hissant immédiatement
à bord. Je n’ai jamais pêché de poisson aussi gros, Ronan non plus, notre
forfait nous épate tellement qu’on peine à réagir, le bestiau d’1,5m (chiffre
officiel, 1,48 selon la police) s’agite et saute en tapant dans le cockpit, le
pourrissant de mèke, de sang et d’écailles. Il faut agir en bon meurtrier et
travailler du couteau. C’est dégueulasse, il
y a du sang partout… Pour l’occasion nous prenons une pause d’une demie
journée à la cape pour débiter le morceau, nettoyer, se baigner, se préparer un
repas magistral et le déguster. A la fin de l’opération nous estimons à 20kg la
viande qui vient de remplir le frigo. On le booste, il devient congélateur, pas
le choix. L’une de mes phalanges s’infectera dès le lendemain, notre pharmacie
nous permet largement d’y faire face, nous l’avons préparée avec un médecin, il
y a même plusieurs kit de sutures. On me connait…
Puis les journées s’enchainent, Ronan découvre la voile
hauturière, même s’il doute encore d’aimer le bateau (au moins au près) il s’en
sort très bien et arrive à gérer un quart de grain surventé en autonomie. Dans
quelques temps il sera accro! A moins que le manque pour sa femme ne prenne le
dessus et qu’il ne rentre plus tôt que prévu… En tous cas il a retrouvé de sa
superbe, a force de naviguer sur le même bord il arbore une coupe de cheveux
« tribord amure », plat à gauche et ébouriffé à droite, façon Ace
Ventura.
Le quatrième soir nous calculons que l’arrivée se fera
assurément de nuit, ne connaissant pas les lieux on ne tente pas le diable,
nous mettons à la cape pour dormir un peu afin de prendre juste le retard
nécessaire pour une arrivée le surlendemain matin. Jusque là les conditions
étaient clémentes en dehors de quelques nuages précipitant anecdotiques, mais
après la cape le temps à clairement changé, gros vent, nuages, grains sur
grains, moins sympa mais aussi plus stimulant et un peu excitant, surtout plus
épuisant.
Après un interminable bord à l’est contre le courant le cap
est mis sur Nuku Hiva, la dernière nuit a été une joyeuse lutte dans les
grains, les éclairs et la houle, nous approchons l’île de plus en plus près au
petit matin mais sans réussir à la voir. Il aura fallu un trou dans un nuage
bas pour enfin se rendre compte qu’on avait le nez dessus, le grandiose était
réservé pour les tous derniers milles. Nous nous sommes fait recouvrir par un
nuage qui nous a englouti, faisant à nouveau disparaitre l’île que nous
longeons, Deb, forte d’une nuit blanche, prend la barre à la main alors
qu’après avoir pris tous les ris je m’abrite sous la capote. Elle se prend des
paquet d’eau dans un vacarme de vent la rendant complètement excitée, criant de
joie à la barre, sensations à fond la caisse, joyeuse ambiance!
là il est temps de prendre des ris!!! |
ça va être tout noir... |
c'est la bagarre |
Enfin nous doublons les deux sentinelles et entrons dans la
baie Taiohae. Souvenirs pour Deb, c’est ici même qu’elle habitait avec ses
parents il y a 15 ans. Pour Ronan et moi c’est la découverte, des falaises
rocheuses plongent dans l’eau de chaque cotés de l’entrée, à l’intérieur nous
sommes bien abrité, la baie est enfermée dans les montagnes on décrivant des
pentes assez fortes tantôt verdoyantes tantôt volcaniques, noires. Tout le
village principal vit au bord de la plage et du petit quai, on remarque que les
véhicules sont tous 4x4, ça promet de belles ballades! D’ailleurs Déborah à
toujours des contacts ici, nous rêvons d’une authentique ballade à cheval.
L’ancre est plongée dans 12m d’eau verte, c’est la première
fois qu’on utilise notre mouillage intégralement neuf alors naturellement on
s’inquiète de sa tenue. Nous sommes rapidement rassurés après le passage de
quelques grains apportant des vents soutenus épisodiques, ça tiens. En revanche
une partie de la houle arrive entrer dans la baie, en mono nous sommes
brassées, on ne peut même pas poser un cendrier sur la table. Si la gène
persiste on mouillera une deuxième ancre en arrière pour faire face aux vagues.
On apprendra par la suite que les raies Manta qui rodent dans la baie ont déjà
réussi à faire décrocher quelques mouillages…
Surprise! Coup de téléphone de Laurane, vous rappelez, la
copine de Deb qui vit maintenant à l’île de Pâques, elle est ici, à Nuku Hiva
ou elle prépare le festival des Marquises en tant que danseuse. Nous la
retrouvons à terre avec sa mère autour de poulet au citron, patates douces et
jus frais d’ananas et de pamplemousse. On programme tout un tas d’activités, ça
va être génial!
Ainsi s’achève cet article et cette première grosse nav.
J’ai souvent pensé à Charles et Anna qui ne font plus partis de cette aventure
et qui aurait certainement aimé arriver aux Marquises, d’ici on en ressent un
peu l’amertume. Bien que je sois persuadé que c’est mieux comme ça, ils reviennent
souvent dans les esprits... On conclue toujours par un bon souvenir de
cohabitation à Tahiti. J’ai aussi pas mal pensé à tous les capitaines qui nous
ont pris à leurs bords, on les salue bien tous, avec un clin d’œil à Marc Rauly
qui vient de boucler son tour du monde. Même si certaines cohabitations de
bords ont été plus houleuses que les mers qui nous ont porté, on doit bien
admettre que bon nombre de leurs conseils et de leurs techniques ont forgé
notre style de navigation.
Enfin, dernier mot pour Véronique de Tamata. Merci pout ton
message sur le blog, ca fait très plaisir, en revanche nous avons perdu tes
coordonnées… A l’occasion envoie nous un petit mail à tob@live.fr, on a plein de choses à te raconter! Cela vaut pour tous ceux qui laissent des messages, on ne peut pas vous répondre!
Ah, si, bien le bonjour à l’ami Yannick qui débute un
nouveau grand voyage en commençant par l’équateur!!! El niño, connecting
people!
Karoutchô!!!
Bien, les 3 beaufs à frimer en mangeant leur poisson sur leur bateau!
RépondreSupprimerMagnifique, Déborah à la manœuvre sous le grain