Ayé!!!!!!!!!!!!
attention l'article est long et riche...
récit de transat...
05/12
Départ hier sous un ciel d’été, pas le moindre souffle d’air
ressentit ni prévu. Nous entamons la traversée de l’archipel des Canaries à
bord du God Speed Mary au moteur sur une mer plus que calme (il faut dire que
nous sommes à la tête d’un trésor de 600 litres de gasoil). Au loin le sommet
enneigé de l’île de Ténérife au dessus des nuages, quelques globicéphales nous
rendent visite, une bonite s’invite à la traîne… Très bonne entrée en matière…
08/12
L’Atlantique. Pétole et moteur depuis Lanzarote… On
s’adapte, canicule, baignade et rencontre avec une réunion de globicéphales déchaînés,
de grands dauphins et de dauphins Turciope. L’eau est toujours de ce bleu
que j’ai peine à décrire, les photos parlent d’elles mêmes. Nous faisons part à
Marc des baleines que nous avons croisé au large de Gibraltar, lui à
« hébergé » pendant quelques heures un cétacé curieux entre les 2
coques d’un catamaran qu’il convoyait, je vous laisse imaginer le spectacle!
la rencontre... |
La compagnie de Marc est très agréable, c’est un ancien
berger reconvertit à la voile qui a gravit tous les échelons, moniteur puis
tenancier d’école de voile, moniteur en croisière école puis maître jedi :
skipper en transpacifics, transats et transmeds, chevronné de navigation et
dont le plus grand plaisir est de rentrer au port à la voile, il doit être l’un
des rares à pouvoir se targuer d’avoir passé les deux tours du port de la
rochelle sous spi! C’est un vrai plaisir d’avoir embarqué avec lui, nous
découvrons enfin la navigation réfléchie, maîtrisée et nous familiarisons enfin
avec la météo embarquée par satellite (les fameux fichiers GRIB qui nous ont
tant manqués sur le Mondrian). Finie la navigation à vue, Marc à sa stratégie,
les alizés n’étant pas fixés et le bateau devant déjà être livré nous irons
chercher dans l’atlantique les vents de l’anticyclone qui sont cachés derrière
une dépression annoncée un peu forte. Nous sommes remontés, on attend la levée
de pétole, tenir le nord ouest jusqu’au front froid qui va apporter un vent d’ouest,
lequel appuiera notre descente sud ouest afin de contourner le plus gros de la
dépression et nous aiguiller vers l’alizé… Simple?! Pour remettre une couche de
technique par-dessus je bouffe des cours de météo pendant les quarts de nuit,
vidéo conférences de Jean Yves Bernot que m’a donné Marc.
2ème
bonite…
09/12
7h du matin rencontre franche avec le front chaud, c’est
l’arrivée de la dépression avec son ciel gris, sa pluie et surtout son vent.
C’est l’euphorie, le moteur s’éteint après 5 jours, nous découvrons les
prouesses de notre bateau, nouvelles sensations pour nous, on met toute la
toile par 20 nœuds de vent et on tient les 9 nœuds de vitesse, ça file!
Mais le vent monte, le bateau est trop ardent, il a tendance à lofer facilement (remonter au vent en gitant), Marc en déjà fait les frais en venant aux Canaries en se laissant surprendre par un départ au lof qui à quasiment couché le bateau. Tellement ardent qu’on commence à prendre un ris à 20 nœuds, à 30 tous les ris de GV sont pris, à 35 on diminue le génois et enfin à 40 il ne nous reste en tout qu’une demie GV, mais on tient nos 7-8 nœuds. Au début c’est marrant, le coté sportif prend le dessus, c’est un gros joujou que nous avons entre les mains, au bout d’une dizaine d’heures de pré ça devient longuet cette houle, cette gite, on ne tient pas debout, le bateau frappe les vagues, on ne peut pas cuisiner, tout se renverse, on doute et on en revient encore à la sacrosainte question : suis-je bien amariné? Dehors ça cogne, le jour laisse place à l’obscurité, on renfile nos tenues de quart qu’on avait remisé à l’abri du beau temps, nos fichiers météo sont vieux de 5 jours, les prévisions sont en général fiables et sensiblement exactes, sensiblement… Ce mot fait la différence, entre la position précise du cœur de la dépression, les vents plus forts de 10 nœuds que ceux annoncés et les rafales à 55 nœuds, on déguste! Allez c’est moi qui m’y colle, je prends le premier quart, droit devant un ciel surchargé nourri d’éclairs, je me sens tout petit, l’affrontement est inévitable…
Mais le vent monte, le bateau est trop ardent, il a tendance à lofer facilement (remonter au vent en gitant), Marc en déjà fait les frais en venant aux Canaries en se laissant surprendre par un départ au lof qui à quasiment couché le bateau. Tellement ardent qu’on commence à prendre un ris à 20 nœuds, à 30 tous les ris de GV sont pris, à 35 on diminue le génois et enfin à 40 il ne nous reste en tout qu’une demie GV, mais on tient nos 7-8 nœuds. Au début c’est marrant, le coté sportif prend le dessus, c’est un gros joujou que nous avons entre les mains, au bout d’une dizaine d’heures de pré ça devient longuet cette houle, cette gite, on ne tient pas debout, le bateau frappe les vagues, on ne peut pas cuisiner, tout se renverse, on doute et on en revient encore à la sacrosainte question : suis-je bien amariné? Dehors ça cogne, le jour laisse place à l’obscurité, on renfile nos tenues de quart qu’on avait remisé à l’abri du beau temps, nos fichiers météo sont vieux de 5 jours, les prévisions sont en général fiables et sensiblement exactes, sensiblement… Ce mot fait la différence, entre la position précise du cœur de la dépression, les vents plus forts de 10 nœuds que ceux annoncés et les rafales à 55 nœuds, on déguste! Allez c’est moi qui m’y colle, je prends le premier quart, droit devant un ciel surchargé nourri d’éclairs, je me sens tout petit, l’affrontement est inévitable…
22h, tout fout le camp, à
chaque éclair j’aperçois les murs de houle qui s’apprêtent à déferler sur le
pont avec fracas, le tonnerre claque dans l’air, la pluie fouette, ça gite
sévère, je suis dépassé, je ne sais plus ou donné de la tête, tantôt au pilote,
lofer, abattre, tantôt à l’écoute de GV que je ne finis plus de relâcher mais
ça ne change rien, le vent emmène avec lui la bouée d’homme à la mer en
déchirant ses accroches sur le chandelier.
Aller chercher Marc! Ouf pas besoin, dans le noir je vois la lumière de
sa chambre qui s’allume à travers le lanterneau sur le roof. Curieusement il
est d’excellente humeur, il sait gérer ce gros temps, ce qui l’ennuie en fait
c’est qu’il vient de se prendre des paquets de flotte dans son lit par le
lanterneau. Sim alerté sort en caleçon, on manœuvre à trois les voiles sous la
pluie battante pour stopper la machine puis je m’équipe d’une ligne de vie pour
aller faire joujou sur le pont inspecter cette fuite, en cause les bouts
d’amarrage de l’annexe. En effet, l’un d’eux avait réussi à se glisser sous le
joint du lanterneau et à le soulever, vite réglé. La suite de la nuit n’a été
que jurons contre Bénéteau. Marc en bon skipper n’a pu retourner se reposer
dans ce temps et nous à congédié, il sait ce qu’il a à faire et s’en débrouille
certainement mieux sans novices dans les pattes. Il tiendra le quart jusqu’à 5h.
En revanche la qualité de l’aménagement du bateau à montré ses limites, avec la
gite les systèmes de blocages des tiroirs de cuisine ne tiennent pas et à
chaque vague les tiroirs se baladent, on en perd un qui s’éclate dans la
bataille, tous les lanterneaux du carré sans exception fuient, la poignée de la
porte de la chambre de Marc lui est restée entre les mains, et j’en passe… Je
rappelle au passage que le bateau est flambant neuf et doit être livré comme
tel…
On n’atteindra pas les vents d’ouest cette nuit là.
10/12
Front froid au petit matin, éclaircies, mais pas encore le
vent tant attendu… Au pris des communications satellite on économise les
téléchargements météo mais Marc ne résiste pas, les nouveaux fichiers tous
neufs parlent, la donne a changée, l’anticyclone est proche, nous prenons route
au nord ouest pour un nouveau point « d’aiguillage » que nous
atteindrons à midi. La route des alizés est en cours!!!
petit tour au nord pour trouver le vent |
17h, les vents de l’anticyclone nous portent enfin! Il y
fait chaud mais n’allez pas croire qu’il y fait beau, au contraire, nous
surfons avec les courants d’air les plus éloignés de l’œil de l’anticyclone,
vents forts, grosse houle et grains réguliers…Nous prenons ces trois élément
par l’arrière, le cap varie du 260 au 310 selon les humeurs d’éole puisque le
vent refuse obstinément de se stabiliser. A tel point que nous ne marchons plus
qu’au génois, la GV est affalée pour sa propre sécurité. Les brusques
changements de vents arrière sont sources de violents empannages souvent
coupables de casse de vit de mulet (liaison bôme-mat) ou pire de déchirement de
la voile comme Marc l’a déjà vécu. Ca ne nous empêche pas de tourner à près de
7 nds de moyenne, on se permet même des surfs sur la houle jusqu’à 13,5 nds.
13/12
Record, 174 milles en 24h.
14/12
Jusqu’à ce matin 10h tout se déroulait à merveille, la
croisière s’amusait… Notre navire collectionne les avaries mais celle là va
nous bouleverser les 10 jours de transat restants. Les visages sont fermés,
chacun mesure la tache qui nous attend, même Marc qui à déjà opéré une demie
transat retour dans ces conditions n’a pas l’air d’apprécier remettre le
couvert… Black out! Nous venons de perdre toute l’électronique embarquée!
Gadget me dirait vous! Et vous auriez raison, bling bling ces 3 écrans tactiles
à l’extérieur gérant le GPS, la hifi, le routage, les sondes de vitesses et de
vents, la girouette numérique, le radar, l’AIS,… et surtout, le pilote auto… On
ne lasse pas de s’interroger sur les qualifications des ingénieurs de chez
Beneteau, soit quand on s’arrache un morceau d’épiderme sur un mobilier mal
conçu, soit quand le mobilier lui-même s’effondre, soit quand l’éclairage et la
ventilation s’actionnent seuls car ils prennent l’eau, soit quand on constate
que le radeau de survie est caché derrière une trappe qui s’ouvre
électriquement (chercher l’erreur), soit parce qu’un problème, surement d’ordre
électrolytique, fait que nous ne tenons plus notre autonomie et que le groupe
doit tourner 6h par jour, ou soit quand on est forcé de constater qu’on laisse
un seul ordinateur de bord gérer tous les éléments sans moyen d’isoler le
pilote… Nous avons tout perdu en une panne… -Bon pour la trappe du radeau,
c’est vrai, on peut y accéder en faisant sauter les deux axes de têtes des
vérins ; pensez à faire naufrage avec votre boite à outils! Je n’étendrai
pas plus ici les énormités constatées sur un bateau comme celui là à
350 000 euros. Mais quand même!!!
Au boulot les p’tits gars, à la barre 24/24, fini le
confort, les repas en commun, les parties de cartes et les apéros… Il ne nous
reste que le compas à l’extérieur comme seul outil, compas dont l’éclairage
donne déjà des signes de faiblesse, comme celui de la girouette en haut de mat
qui à rendu l’âme, très pratique la nuit. Sans compter que les feux de nav
n’ont jamais fonctionnés. Nous découvrons la navigation sensitive. Mise en
place des quarts, Deb n’étant pas a l’aise avec la barre à roue ne se sent pas
de prendre seule ses quart, nous les prenons en binôme. 4 fois 3 heures de
quart pour 3 fois 4 heures de repos par tranche de 24 heures. Sim et Marc ont
opté pour l’autonomie, il leur reste 2 heures de quart pour 5 de repos. Des 10
jours restant nous ne dormiront jamais plus de 3h30 d’un coup, c’est dur pour
le moral. On relativise aussi, c’est bon pour l’expérience et certains ont vu
pire. Je pense à Ponpon, un ami de Deb qui s’est vu barré 3 jours de rang,
seul, suite à la panne du pilote, son équipière étant malade. Je pense aussi à
Serge (skipper rencontré à Lanzarote) qui s’est payé un Angleterre-Turquie sans
pilote à 2 avec son disciple, Christophe. 3 semaines de barre, 6 heures chacun
à tour de rôle et avec le sourire, ils en parlent comme s’ils s’étaient fait
plaisir… Discutable… On entendra reparler de ce Serge dans un prochain chapitre
« loups de mer ».
Notons quand même que la mer est le métier de notre
capitaine, il est prévoyant et à ce titre ne sort jamais pour une telle traversée
sans son petit PC équipé du logiciel MAXSEA (avec lequel nous nous étions
familiarisé sur le Petit Poucet). Cela nous permet de récupérer notre routage
et notre vitesse.
16/12
Quel rythme, on ne se croise plus beaucoup entre nous, les
quarts sont pris nuits et jours afin de respecter au maximum les périodes de
repos.
Consolation, nouveau festival de rencontres animales hier,
rorqual à nouveau (qui sont encore avec nous aujourd’hui), marsouins, oiseau de
mer (paille en queue) et poissons volants en pagaille dont 1 spécimen a
atterris dans le bateau, il passera à la casserole. Plus tard un second
s’invitera après avoir percuté la bôme mais le premier n’ayant pas été à la
hauteur des attentes culinaires de chacun, nous le relâcherons. Hypothèses
naturalistes : les poissons volant bien que visibles toute la journée
sautent dans le bateau juste avant les gros grains, et concernant les rorquals,
ils semblent aussi joueurs que les dauphins, ne se lassent pas de passer sous
le bateau en arrivant avec la houle par l’arrière. D’ailleurs jusque là on ne
les a vu que lorsque l’on naviguait vent arrière avec houle de l’arrière… à
vérifier.
paille en queue |
Autre coup dur ce matin. Depuis la panne nous n’avons de
cesse que de tenter de trouver son origine mais il manque à bord en plus d’un
multimètre, le manuel de ce p… d’ordinateur de bord. Nous avons bien entendu
vérifié les fusibles et ouvert chaque placard et chaque trappe à la recherche
d’autres boitiers de dérivation suspects mais en vain. C’est en fin de matinée
que Marc s’est aperçu que les fils d’alimentation de l’objet en question
n’étaient pas les même que ceux qui arrivent aux fusibles. Il y a donc entre
les deux un mystérieux boitier à trouver. Et c’est Sim qui découvrit le trésor,
une batterie de relais sous notre lit, il échangeât celui du frigo auxiliaire
avec celui du pilote, BINGO! C’est repartit, mais on a même pas eu le temps de
sortir le pastis pour fêter ça que la panne revenait… Cette fois c’est sur, ce
bateau est pourri, on ravale notre joie et reprenons la barre…
17/12
La barre, Le cap. Rien de plus. 270-280.
Nous avons croisé des humains cette nuit… A moins d’un mille
par l’arrière, gros voilier venant du nord se dirigeant vers le Brésil… Ca fait
bizarre de se dire qu’on n’est pas seul. Elle est appréciable cette solitude, se
savoir à l’abri des regards, à l’abri des connards, à l’abri de toute
transaction financière.
En bon débutant, surtout à la barre à roue, on empanne,
c'est-à-dire qu’on frôle le vent arrière de trop près et on fait passer la
voile d’un bord à l’autre. Trop souvent nous dit Marc, un démâtage par-dessus
serait le drame ultime. Il faut dire que l’empannage au génois est extrêmement
violent! Lorsque les 65 m² de toile se regonflent, tantôt à contre, tantôt du
bon coté, nous vivons tous la douleur que peut ressentir le bateau, à l’œil nu
on voit le mat osciller et on sent la coque travailler. Imaginez qu’un géant
secoue le bateau par le mat de haut en bas, cela fait fléchir la structure aux
extrémités comme un ressort tenu horizontalement par le centre et secoué
verticalement. Ca vous donne une idée?
Selon les changements de direction de vents on est souvent obligé de
tenir un cap très proche de l’empannage. Les raisonnables diront qu’il suffit
de s’en éloigner, de tirer des bords et de prendre un cap plus ouvert. Mais les
puristes dont nous entendrons la voie répondront que c’est dans ces conditions
de concentration qu’on apprend le mieux. Même si Marc serre les fesses et nous
les dents à chaque fois que la voile passe du mauvais coté, de jour en jour on
note une progression dans notre apprentissage, voir venir et anticiper les
mouvements de houles, sentir les légers changements de vents, ne plus faire des
tours de barre frénétiques lorsqu’on panique, voire même (des fois) y trouver
du plaisir…
Deuxième changement d’heure, chaque 700 milles nous
rallongeons nos journées d’une heure.
18/12
Nuit difficile, grains à répétition accompagnés de
changements de vents soudains de 50°. Le temps de comprendre la situation j’ai
pu établir un record de 7 empannages coups sur coups! Ce qui a sorti Marc de
son lit, il dira plus tard que j’avais l’air très énervé, on choisira l’option
moteur afin de ne pas me contrarier… No coment.
Nous trinquons autour du barreur à la tombée de la nuit,
double ration d’alcool, nous passons la barre symbolique des 1000 milles
restant, Soit quasiment les 2/3 de la transat.
19/12
Encore un quart douloureux. Déjà point de vue fatigue, le
rythme est soutenu, on rêve d’une nuit complète, juste une… A chaque réveil
j’ai l’impression d’avoir pris une cuite au coucher. Sim à une phrase toute
faite : «le plus difficile c’est tout ce qui est autre chose que du repos,
particulièrement la transition entre période de sommeil et une autre période de
sommeil».
Ajoutons à cela des grains bien drus pendant les quarts,
surtout celui qui nous est tombé dessus 5 minutes avant la fin du notre à Deb
et moi. Je pourrai faire un copier-coller de l’article de Deb «quart de
panique». Grosse pluie, gros vent venu de nulle part, génois qui se met à
contre, le pilote n’a pu se verrouillé cette fois car il est HS, mais ayant eu
la barre entre les mains à ce moment je comprends pourquoi il avait refusé de
travaillé, je n’ai pas su faire mieux que lui… On s’installe donc à la gite,
Sim et Marc sortent de leurs piaules, Deb avait déjà commencé à wincher
énergiquement pour remballer le génois seulement, sa drisse d’enrouleur et son
écoute en ont profité pour s’emmêler… Damned, tous sur le pont, on remballe à
la main… Tous trempés, Marc à une fois de plus serré les fesses pour la santé
de son génois qui fouettait dans le vent… C’est passé.
les fameux grains en mer... celui là a le mérite d'être franc, ris sur le champ! |
fou de bassant |
Je repense aux propos de Chico doutant de notre projet de
nav : «ça va être formateur». En plein dans le mille! C’est une grande
leçon de se retrouver face aux éléments, loin de tout et de tous. Ca n’est pas
effrayant ce vide, à l’inverse, on y trouve une sérénité, un bien être. Puis
quand ça se gâte on mesure ses limites, physiquement et moralement. Je n’ai pas
le souvenir que la peur est déjà pris le dessus (même si on ne faisait pas les
malins dans le Gascogne), au contraire on se trouve. On se trouve surtout dans
la tête, confiance en soi et dans les autres, peut être avons-nous la chance
d’avoir un tel équipage… Quand on a le temps d’avoir peur, c’est qu’on a pas
encore peur, appelons ça de l’appréhension. Et si dans une situation merdique
le sentiment venait à monter, la prise de décision et l’action prennent le
dessus sur le ressentit avant que la peur ne s’installe. Il restera en séquelle
une boule au ventre qui se dissipera avec l’aide illusoire d’un bon mégot
mouillé. Aucun de nous n’a jamais hésité à se jeter dehors en petite tenue
quand les circonstances devenaient merdiques. Pourtant quand on est rendu en
caleçon dans la tempête c’est que la situation évolue déjà vite vers les gros
soucis. J’avoue qu’avant d’embarquer je ne savais pas exactement à quoi
m’attendre mais il faut bien savoir pour les futurs candidats que ce n’est pas
toujours la croisière, il faudra inévitablement faire face à des pannes ou des
situations à risques de temps en temps, des risques bien méconnus de nous
autres terriens. Bien mal renseigné celui qui restera au fond se cabine en
appelant l’aide d’une mystérieuse entité supérieure. Non, quand il faut y aller
c’est sans l’ombre d’une hésitation, et je dois dire que ce n’est pas pour me
déplaire!
Encore le rorqual dans notre sillage, j’ignore si c’est le
même, mais il rode toujours…
Concernant la traîne, plus de prises depuis 4 jours, la
faute à la pleine lune? Pourtant nous avions remonté ces derniers temps une
dorade coryphène et une bonite qui nous a fait plus de 2 repas à quatre. Allez,
à défaut de prises je vous renseigne sur la pêche record de notre
capitaine : un thon de 80 kg! Pas mal, hein? Longue bataille, équipier qui
plonge pour travailler la bête au harpon, lequel cédera sous la force du
poisson, puis finalement nœud coulissant le long de la ligne jusqu’à passer
autour du corps de la bête pour la remonter par la queue. Petit détail :
le bateau était équipé d’un congélateur.
20/12
C’est curieux mais on ne s’ennuie que rarement, évidement en
ces moments de quarts douloureux, mais même lorsque notre pilote avait la
frite. Finalement on consacre beaucoup de temps à la réflexion, à
l’observation, les rencontres,… C’est une expérience géniale, je vois les
milles diminuer et je commence à me dire que la fin approche. Il doit nous
rester 4, peut être 5 jours, nous sommes bien décidés à ne pas en rester là, la
transpacific murit dans nos têtes! Pas immédiatement, mais bientôt quand même,
nous rembarquerons, cap aux marquises, Marc et Deb connaissent ces îles, je
n’en peux plus d’en entendre parler, je veux voir!
Reprendre la mer, j’y suis encore et j’en redemande déjà,
cette ambiance, de jour comme de nuit, ces sensations, cette surprenante
adaptation de l’homme face à cet environnement, comment peut on prendre du
plaisir à ne pas pouvoir dormir correctement ni se tenir debout pendant 3
semaines? Je ne me l’explique pas, sinon le spectacle que l’on reçoit en
retour, l’océan immuable… Immuable, enfin il paraitrait que son niveau monte?
J’étais dehors à l’instant, c’est vrai c’est monté. Mais c’est redescendu
aussitôt puis c’est remonté encore et redescendu à nouveau. Je pense que cette
théorie est un peu pompeuse, d’autant que ça dépend du vent. Alors si certains
s’aventurent à donner du crédit à cette idée houleuse, je ne m’y risquerai pas,
voilà ce que j’en pense!!!!!!!
Dans le programme initial Marc nous avais proposé de nous
déposer à St Martin afin de trouver plus de correspondances pour se déplacer
dans les Antilles, après quoi il terminerait seul la navigation jusqu’au lieu
de livraison : les iles vierges. Maintenant que notre équipier le plus
salutaire (le pilote auto) nous à lâché, Marc ne pourra se permettre de finir
seul, soit il embarque un de nous trois et lui paie un billet d’avion de sa
poche pour rejoindre les autres soit nous allons tous jusqu’au bout mais il ne
pourra nous financer. Le choix est vite fait, jusqu’au bout! D’autant que Marc
ne nous demande pas le moindre euro pour la transat, il ne manquerai plus qu’il
nous paie… Nous ferons quand même escale à St Martin parce que te-punch! Pas
déconné c’est mérité, nan?!
Toujours rien à la traine, mais toujours ce vieux rorqual, y
voir une corrélation??
Il y a un autre phénomène génial en navigation, ce sont les
rêves que nous faisons, une véritable usine! Tous du même avis, nous avons une
vie la nuit! Est-ce parce que le corps est en mouvement pendant le sommeil?
C’était pareil sur le Mondrian, chaque matin chacun y va de son récit, du plus
loufoque au plus triste. Je pense à ceux qui cherchent une intrigue pour un
livre ou une BD, naviguez! Jamais en dessous de 8 nœuds… tu te reconnaîtras,
bisous!
A 22h il reste moins de 500 milles, le vent se décale NE
depuis 24h, fini les empannages, fini les grains, il refait très chaud, torses
nus dehors, on lave quelques vêtements qui étaient gorgés de sel pour
l’arrivée, et on en profite pour laver le bonhomme aussi. Bien que l’océan soit
dépourvu de crasses et de poussières on se sent souvent sale, collant,
l’univers est humide et salé… A ce propos je me suis permis une petite
réflexion étymologistique. Y aurai-t-il un lien, même ancestral, entre le sel
et l’origine du mot saleté? Le premier à répondre correctement à cette question
via les commentaires du blog se verra récompenser d’un petit colis de Noël des
Antilles! Jeu sans aucun contrôle d’huissier et au bon vouloir de l’expéditeur,
alors trainez pas!
21/12
Le vent se calme, trop d’ailleurs, nous aidons la voile avec
un peu de moteur en supplément. A ce rythme ça va être un sprint final au
moteur?!
Fin de trêve, la bobine de la traine file en fin d’après
midi, ça tire pas mal, on coupe le moteur et on remballe le génois, déception,
pas de daurade, c’est une bonite d’une bonne taille. Elle nous fera des
protéines pour deux jours, c’est donc ainsi que se termine notre «très maigre
campagne de pêche», parole de transatier! Une fois la bête à bord et étêtée on
renvoie le génois mais ce dernier s’est emmêlé, il se met en torchon, ses
points d’écoutes sont prisonniers dans l’étai l’empêchant d’être manœuvré et il
bât dans le vent comme un fou dans un vacarme assourdissant, alarme! Pataugeant
dans le sang Marc se saisi de la barre et de la drisse d’enrouleur, Deb se
charge de gérer les 2 écoutes, Sim et moi partons devant tenter de démêler la
voile, on tire, on escalade l’étai (dans la houle c’est pas facile), rien y
fait… On n’arrive pas à s’enlever de la pensée que si le génois venait à se
tendre enfin en se regonflant nous nous verrions corriger d’une monumentale
gifle de 65m², laquelle nous expulserai probablement hors du navire. On prend
le risque, de toute façon le moteur est déjà en route et tout le monde est sur
le qui-vive, si manœuvre d’homme à la mer il y a, elle devrait être bien
orchestrée. De toute façon c’est ça ou attendre en regardant le génois battre
en torchon jusqu’à ce qu’il se déchire. Finalement nous le matons en descendant
un peu sa drisse et en démontant une par une ses écoutes pour défaire le nœud,
10 minutes plus tard il reprend enfin sa forme, aucune déchirure n’est à déplorer,
ouf! Ah le charme d’un équipage de débutants… Encore un coup de sang pour le
capitaine… Il faut dire que les remontrances sont justifiées, sans parler de
régater, nous commettons encore de petites erreurs dans nos gestes (gestes qui
devraient être des automatismes au bout de 2 mois de mer) et qui nuisent
parfois à la manœuvre, avec la crainte d’endommager le matériel. Comme on
dit : «gros bateau, gros soucis»…
On n’en fini plus de s’émerveiller, de se dire qu’on passe des moments privilégiés, quand on pense que ce bateau sera loué 2500 euros par cabine et par semaine dans quelques jours… On vient juste de se mettre à écouter de la musique pendant les quarts, le chant de drisse et haubans ne suffisant pas. Pourquoi pas avant? Quart! Pas penser… Voilà qui plonge dans des ambiances accentuant encore les émotions, du Louis Amstrong au clair de lune sous les étoiles (avec un arc en ciel de nuit, si si, ça se peut!), du Noir Désir sous la pluie, Des kangourous et du Zoufris Maracas à l’apéro au soleil, et enfin, on dirait que le Nouveau Monde de Yann Keran à été fait pour être diffusé par 17°50’N, 53°27’O, sous un ciel chargé lacéré par les derniers rayons de soleil de la journée…
Allez je m’emballe…
22/12
C’est sur, nous ferons escale demain en début de soirée.
Le programme vient encore d’évoluer. Des îles vierges il
nous faudra de toute façon repasser par St Martin, économisons deux billets
d’avion! J’accompagnerai seul Marc pour la livraison, d’une part parce qu’il
semble que je sois le moins pressé de retrouver la terre et les humains,
préférant rester à bord jusqu’au dernier mille, d’autre part je ne partage pas
l’attente commune d’aller danser le zouk, Sim et Deb s’en languisse… mouai, je sens que je m’y ferai chier… va
savoir… Finalement mon billet retour sera pris en charge par Dream Yacht, le
donneur d’ordre.
Surprise! Pour notre dernière soirée Sim avait secrètement
gardé depuis son départ de Marseille un bloc de foie gras et caché depuis la
pénurie 4 modestes tranches de pain de mie. Nous l’accompagnons des trois
dernières bières…
Il faut dire que nous terminons pile poil la traversée, nous
n’avons plus de gaz depuis 24h, plus de pain (sans four), il nous reste un
grand stock de nourriture à cuire, hélas… On se contentera de boites de
haricots vert froides relevées avec les deux dernières tomates…
23/12
6h du matin, il reste 94 milles. Mon costume enfilé je fais
mon apparition sur scène… En silence je me dirige vers mon poste puis me place
face à la barre à roue tribord. J’échange un regard convenu avec le capitaine,
c’est le signal, la passation de pouvoir d’un barreur à l’autre. D’un geste
maîtrisé je lance en arrière la queue de pie de ma veste de quart et m’assied alors
sur le banc de barre, levant les bras tendu vers le ciel, doigts pointés vers
le bas puis enfin saisi le cuir qui entoure le cerclage d’inox, entamant ainsi
la partition de ce qui sera certainement mon avant dernier quart. Il ne reste
de la veille du capitaine, prévoyant, qu’un génois remodelé en trinquette et le
moteur tournant au ralentit, faisant progressé lentement le navire dans la
presque obscurité. Le bonhomme, lui, dressé debout sur le banc, scrute
l’horizon étrange à la lueur de son mégot… Il semble que l’atlantique ne
veuille pas se séparer de nous aussi facilement. C’est l’introduction de mon
morceau, le vent fait déjà siffler les haubans, les vagues chantent en
déferlant, devant la proue les éclairs fracturant les ténèbres laissent
promettre un opéra digne des… pluvieux!
9h, fin de quart. Je suis partagé entre déception et
apaisement. «Le vent, l’inox, toutes voiles dehors», le numéro qui vaut de
l’or n’a pas eu lieu, le public déçu s’en est allé, j’en ai moi-même perdu mon
inspiration… L’heure est aux bisounours, soleil et dauphins…
16h, la nature à fini de tergiverser, elle remet ça pour
notre dernier quart, ni déçu ni apaisé, au contraire, fin de transat sport sous
la pluie et les éclairs, petite tempête tropicale… la visibilité est faible si
bien que nous croisons les bouées de casiers et de filets avant de voir la
terre, mais elle a bien fini par nous apparaitre! Couleurs de fous, eau verte
turquoise, pluie, éclairs, îles à la végétation dense, ça sent la foret humide….
Vite a quai, l’appel du rhum…
Bilan très positif de cette transatlantique, en
chiffres : 4 sourires,20 jours, 4 heures de décalage, 2800 milles,240
heures de barre, 400 litres de gasoil, Pointe de vent (du temps ou on pouvait
encore le mesurer) 55 nds, 12L de bière, 1L de whisky, et combien de lecteurs
rassurés?
En tous cas ça fait énormément plaisir d’avoir eu de vos
nouvelles à tous !!! continuez ! Pour répondre à la question de
Nathan, oui être en couple à bord d’une transat c’est pas toujours évident mais
je pense qu’on s’en sort plutôt bien, c’est un bon exercice de gestion de crise
pour ne pas que les conflits sortent de notre chambre…
Et toujours pour nat et mat, économisez bien, on à bien l’intention
de recevoir des visiteurs, surtout si vous voulez revoir la laisse de kenya, c’est nous
qui l’avons en otage… pourquoi je sais pas... nous la détenons dans de bonnes conditions, une vidéo le prouvant sera prochainement diffusée. Ne prévenez pas la police ou nous la racourcirons!
Bonnes fêtes à tous, on vous embrasse fort !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Ps, pour ceux que ça intertesse le blog de Ronan et Anna au mexique est croustillant également!!!!! toubquest.blogspot.fr
J'ai pas encore commencé à lire, mais d'abord: YOUPPPIIII!!!! Des nouvelles de nos aventuriers après la grande traversée! Allez, une bonne lecture m'attend, je m'y mets!
RépondreSupprimerBon, je ne vais pas m'asseoir sur un cadeau de noël supplémentaire venant du nouveau monde, alors je réponds à la question du jeu concours: non le mot "sel" n'a pas de rapport étymologique avec le mot "sale". Et pourtant "sel" vient du latin "sal", qui veut autant dire eau de mer que "mot d'esprit" ou "plaisanterie piquante". Ce qui prouve que les romains ne faisaient pas beaucoup de transat.
RépondreSupprimerMerci pour cette belle aventure racontée avec photos et vidéos en illustration :)
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