Nous apercevons l’île de Fatu hiva en fin de matinée du
11/04, elle sort de l’Océan en dévoilant ses falaises hostiles et ses flans de
montagnes abrupts dont les sommets vont se perdre dans les nuages. Ce décor a
quelque chose de mystique qui ne fait qu’amplifier à mesure qu’on s’approche…
Nous contournons l’île par le nord jusqu’à la baie de Hanavave où se trouvent
déjà quelques bateaux dont certains nous sont familiers. Je souhaite à
quiconque en a l’occasion de découvrir les Marquises, et plus particulièrement
cette île, en y arrivant en bateau, le décor nous coupe le souffle, entre
montagnes vertes, végétation dense, rochers surplombant le village et dessinant
des visages, à la limite du culte religieux! L’ancre jetée nous plongeons à
l’eau, chaude et bleue, nous oublions tous nos soucis. Puis enfin nous
débarquons dans le petit village avec l’annexe chargée de nos poubelles, malgré
notre réticence à les déposer sur cette petite île… Nous n’irons pas loin, les
habitants nous font rembarquer nos déchets à bord! Normal. Ici ça sent la
rivière et les fleurs, surtout celles de tiaré, une petite église blanche se
dresse, petites maisons, cabanes, le tout très propre et soigneusement
entretenu, murets de pierres, arbres fruitiers à gogo, chevaux et cochons attachés
au bord de la rivière, la cadre est magique! Le village n’est pas grand, il n’y
en a que deux sur l’île comptant en tout 350 habitants. Nous ne visiterons que
ce village mais c’est déjà assez, les locaux sont tous plus gentils et
agréables les uns que les autres, des va nu pieds charmants qui proposent des
fruits, non pas à vendre, mais à échanger contre n’importe quoi, outils, bouts,
ligne de pêche… Comme la vie à l’air simple! Il n’y a évidement pas de
restaurant ici, nous acceptons donc l’invitation à revenir manger le lendemain
à une table préparée par les habitants avec d’autres équipages de voiliers.
D’ailleurs nous rencontrons quelques équipages qui sont partis après nous des
Galapagos et qui sont là depuis quelques jours. Ils ont tous fait bonne
navigation en allant chercher les vents très au sud, tous ont fait tourner leur
moteur moins de trente heures et hallucinent lorsqu’on leur parle de notre
consommation de gasoil.
Après une bonne nuit dans le calme mouillage, nous nous
levons comme convenu pour s’atteler au carénage. L’antifouling n’est pas
seulement périmé, il est juste inexistant, la coque s’offrant à tous les algues
et mollusques désirant s’y nicher. Ainsi une couche de berniques et autres
coquillages recouvre intégralement le bateau sous sa ligne de flottaison,
pourtant gratté au départ des Galapagos. Cette couche atteint plusieurs
centimètres d’épaisseur par endroit, même notre cher capelan n’a jamais connu
telle invasion! Nous grattons tous les 4 pendant 2 heures en s’écorchant les
phalanges, et c’est relevant le nez après avoir rendu impeccable la coque
babord avec Deb que nous nous rendons compte que nous ne somme plus que 2 à
travailler, L’un étant déjà sous la douche, l’autre sur le pont. Nous jetons un
coup d’œil rapide à leur chantier : la coque tribord. Pas besoin de
s’approcher pour voir que le boulot à été bâclé, il reste nombre de grappes de
berniques… Nous considérons donc cet abandon de poste comme une fin de chantier
général, nous reposons tous nos outils… L’heure est à nouveau au débarquement,
Un peu de marche à pied nous détendra.
Nous tombons dans une bonne période car aujourd’hui doit
arriver au mouillage l’Aranui, le bateau de ravitaillement avec ses quelques
passagers, c’est l’occasion pour les habitants d’organiser une petite fête avec
stands d’artisanat local (principalement huiles et sculptures), groupe de
musique et danses traditionnelles. L’arrivée de ce bateau est prévue vers 14h,
ce qui laisse à Amos l’idée d’une excursion en 4x4 dans l’île en attendant. Ce
projet ne nous tente guère, mais nous sommes réquisitionnés pour servir
d’interprètes dans une négociation de location. Evidement il s’avère que c’est
hors de prix, mais considérant que le gasoil est importé par bidons et qu’il
n’y a que 6 voitures dans le village… Je me retrouve à avoir honte lorsqu’on me
demande de traduire un comparatif de location avec les Galapagos… Finalement le
capitaine paye plein pot, 150 euros, nous sommes embarqués dans l’aventure en
tant qu’interprètes pour donner les instructions au chauffeur, lequel s’avère
être d’une gentillesse et d’une compagnie fort agréable. Après un demi tour de
la honte exigé par nos deux compères pour se mettre d’accord sur la destination
puis encore un second pour aller retrouver un téléphone égaré, nous arrivons
enfin à la cascade tant attendue, le chauffeur commençant à être agacé par leur
attitude, d’autant qu’ils se prennent la tête en hébreux à travers la voiture
pour on ne sait quelle raison, et nous autres faisons tampon au milieu… On
regrette… L’ambiance est aussi froide que la flotte en arrivant au pied de la
cascade, si bien qu’en retournant à la voiture ils décident d’en rester là avec
l’excursion et je dois traduire que nous souhaitons rentrer… On a honte… Nous
ferons bande à part le reste de la journée en prenant bien soit de les éviter,
eux et leurs propos à traduire.
Après la fameuse danse traditionnelle donnée au débarcadère
nous filons vers la rivière en s’arrêtant en chemin pour ramasser une noix de
coco et un pamplemousse. Bord de rivière génial, mais avant même d’éventrer nos
fruits nous subissons un assaut de moustiques tigres, nous sommes obligés de
battre en retraite vers la montagne en nous disant que là haut nous serons
tranquilles. Que n’est ni, après une bonne montée nous redescendons illico,
chaque halte étant un véritable supplice pour nos peaux de touristes, un régal
de sang frais pour les moustiques. Finalement nous abandonnons notre coco et
mangeons notre pamplemousse sur les rochers de la digue du port… là où l’on est
partit quelques heures plus tôt. Coucher de soleil sur la baie et raies qui
dansent entre les bateaux…
18h, il fait déjà nuit, c’est curieux d’ailleurs, nous nous
retrouvons tous les quatre. Ils étaient repartis en voiture pour dévaliser un
magasin, ils déchargent du 4x4 des cartons remplis de denrées, sans aucune
mesure du besoin local, ils se vantent d’avoir tué le stock de yaourts et
autres concombres. C’est sympa pour les locaux, le prochain bateau est dans 3
semaines. Nous portons le tout au bateau et sommes prêt à repartir pour le
fameux repas. Nous devons quasiment forcer Amos pour honorer sa parole engagée
la veille à propos de notre présence à ce repas, et nous faisons bien car nous
serons les seuls à nous y rendre, la table de 19 couverts est pour nous, et
nous y faisons honneur! Porc grillé, poulet au coco et aux légumes, bananes
cuites, salade de papaye verte, fruits de l’arbre à pain en sauce, poisson
grillé, poisson cru au lait de coco et citron, un véritable banquet digne d’une
fin d’album d’Astérix en Polynésie. Tellement bon que je pense que même
Mathilde se serait resservi en poisson cru.
Nous sortons de table repus et nos hôtes nos prépare dans un carton tous
les restes, malgré notre refus, nous regagnons l’annexe aussi chargé qu’au
premier tour… Une leçon d’hospitalité! Durant
ce repas, on a fait grande preuve de fraternité à notre égard, c’est Ran qui
s’y est collé, à notre grande surprise, alors que nos relations ne sont pas
vraiment au top, il s’est donc engagé à
relancer l’offre de salaire que nous à promis Amos de 250$. Qu’y voir? Dans les
premiers instants une preuve d’amour, mais cette hypothèse est assez dure à
avaler. Ou alors très maladroite. Après une intense réflexion nous pensons que
cette somme vise à nous maintenir à bord, aussi surement qu’une carotte au bout
d’un bâton, car il doit y avoir dans l’air le doux parfum d’un abandon de poste
inopiné.
Petit épisode qui nous donne à rêver en repartant, on nous
propose un bateau, un voilier d’une dizaine de mètre qui se trouve au mouillage,
son propriétaire est partit en laissant là son navire depuis plus d’un an. Le
bateau à l’air en bon état, il manque l’étai, c’est déjà bien que le mat soit
encore debout depuis tout ce temps. La machine est lancée, on s’imagine déjà
capitaines de l’ALTHEA (c’est son nom), sillonnant les mers de Polynésie et
plus encore… Nous devons trouver le propriétaire…
Le lendemain matin, 13/04, nous mettons les voiles (enfin,
le moteur) jusqu’à Hiva Oa, et 40 milles plus tard nous entrons dans la baie
Tahauku. Cette escale est purement d’ordre administrative, nous devons
enregistrer notre arrivée à la gendarmerie. Nous y servons encore d’interprètes
et une nouvelle fois nous croulons sous la honte de leur mauvaise foi, Ran doit
présenter son billet d’avion retour et il tend alors son téléphone dans lequel
se trouve le mail de réservation de vol… Evidement les gendarmes n’acceptent
pas ce genre de justificatif, le scandale éclate, on entend crier à
l’injustice, puis enfin l’intéressé reconnait qu’il à le document papier à
bord, il faut donc y retourner. Pour cela Amos exige que la gendarmerie reste
ouverte (il est 11h45), Ran exige de la femme qui nous à emmener jusqu’ici en
voiture de faire un nouvel aller retour non consentit car elle doit aller
chercher son mari… Nous assistons à une véritable colonisation… Amos nous
demande de nous taire, il veut gérer seul l’affaire. Nous ignorons sa demande
et échangeons avec le gendarme à propos de ce bateau abandonné, il nous donne
le nom de son propriétaire, maigre récolte, nous verrons ce que nous pourrons
faire avec cela : il s’agit d’un russe répondant au nom de SHERSHAKOV
ALIXEY. Si certains lecteurs se sentent une âme de détective, qu’ils n’hésitent
pas! Puis enfin l’enregistrement de notre bateau se termine, tout le monde est
content de nous voir partir… Le départ est fixé à l’aube demain matin, quartier
libre d’ici là, nous prenons congé du reste de l’équipage et partons de notre
côté ; nous avons entendu que le Fleur de Lotus est passé là il y a une
semaine, il est déjà reparti mais deux équipières ont quitté le bord, il s’agit
sans aucun doute d’Amandine et Céline, nous tentons de les retrouver. L’enquête
est très courte, nous somme sur une île, tout le monde est au courant, elles
sont logées chez Mohie. Les gens sont toujours aussi sympathiques, on nous
emmène en voiture jusque là bas. Nous y apprenons que les filles que nous
recherchons sont parties en excursion deux vallées plus loin, il est peu
probable qu’on les voit… Nous sommes cependant invités à revenir dans cette
maison pour le diner. Nous regagnons la voiture et son chauffeur nous invite
chez lui à son tour. Quelle hospitalité!
De fil en aiguille nous n’aurons pas réussi à retrouver nos
anciennes équipières mais nous aurons visité trois familles, mangé avec eux,
échangé des objets, nous aurons fait du 4x4 sur des pistes vertigineuses pour
grimper dans la montagne visiter des chasseurs qui nous offrirons en plus de
leur hospitalité, nombre de fruit et de victuailles… Une journée très riche,
nous avons hâte de revenir! Je signale au passage que chaque personne que nous
croisons connait Lydéric, on nous demande de ses nouvelles, nous avons
également reçu un mail d’un de ses amis qui à lu notre article à son sujet,
cette personne nous propose son hospitalité sur l’île de Raiatea, près de
Tahiti. Nous rencontrons également une personne qui se souvient de la mère de
Deb à Nuku Hiva!
Dans la nuit je nage jusqu’au bateau pour y reprendre
l’annexe afin de retourner chercher Deb et notre trésor de cadeaux, une petite
nuit de repos et à l’aube on repart pour une mini escale dans l’île voisine,
Tahuata.
15/04, bisous Elora! 6h30, moteur, on lève l’ancre pour la
redescendre une petite heure plus tard dans la baie de Hanamoenoa, magnifique
par son décor Marquisien, mais offrant en plus une plage de sable, donnant à
l’eau une couleur turquoise. Nous ne sommes là que pour 2 heures, des raies Manta
immenses nagent autour du bateau, il n’en faut pas plus pour me rendre heureux,
je plonge illico à l’eau à la rencontre de ces bêtes. Finalement je déchante
lorsque je les vois évoluer vers moi, elles sont aussi grande que moi, je ne
sais pas si je dois rester là à savourer le spectacle ou battre vivement en
retraite. Est-ce une légende où pas, cette histoire de venin au bout leur queue?
Dans le doute je respecte une distance entre nous de 2-3 mètres, ce qui me
laisse largement de quoi halluciner, de véritables oiseaux d’eau, nageant sur
le ventre, blanc, strié par de larges ouïes, ou sur le dos, noir, avec leur
tout petit aileron se terminant en queue de quelques dizaines de centimètres.
Leur bouche est grande ouverte quand elles nagent, deux nageoires sont repliées
devant celle-ci pour faire une sorte d’entonnoir à gibier… Grand moment de
baignade!!!!
L’annexe est mise à l’eau, un carton qui à servit à
transporter l’avitaillement s’y trouve. Je m’insurge en voyant Amos le balancer
à l’eau, au mouillage, à 30 mètres de la plage. Il rechigne mais le repêche
finalement. Nous mettons brièvement le pied à terre, pendant que ces messieurs
prennent du bon temps on nous demande de curer l’annexe… Petit détail, le
carton n’est plus là, il a du être rebalancé ou enterré dans la plage en douce,
incroyable! Ultime baignade et c’est repartit, en quittant le mouillage je me
dis que j’aurai peut être du tenter de toucher les raies car je vois un
baigneur qui n’hésite pas un instant à se coller à elles, et ça à l’air de très
bien se passer… Je suis jaloux…
Curieusement il est décidé de hisser la GV dès la sortie de
la baie, nous sommes tous les quatre, l’opération commence bien mais rapidement
un problème vient géner la progression de la voile le long du mât. C’est
Deborah qui la première situe le défaut : le deuxième ris n’est pas
libéré. Ran, recherchant le problème au pied du mât commence à parler de plus
en plus fort en hébreux avec Amos qui se trouve à la barre, on sent monter une
nouvelle prise de bec entre eux. Nous tentons bien de communiquer la solution à
cette situation mais nous somme complètement ignorés, ils s’enfoncent. Au bout
de longues minutes Amos me demande d’insister sur le winch pour hisser la voile
en force, enfin, je peux en placer une : « the fucking blue reef is
not free!!!!!!! »…
Le capitaine à opté pour un régime d’escales express, un
vent favorable nous pousse vers les Tuamotu, nous visons l’atoll de Fakarava.
Le bateau navigue très correctement à la voile, le vent est stable à 17 nds,
hélas cela ne durera que 24 heures. Le reste du trajet se fera au moteur, plus
un souffle d’air jusqu’à Fakarava, nous sombrons à nouveau dans la routine, je
passerai sur la description de ces
derniers jours de nav, strictement identiques à ceux de la trans Pacifique. Une
évolution tout de même, on prend de moins en moins la peine de communiquer, je
vous livre donc quelques définitions d’élocutions parmi les plus
courantes :
-« hum haaauw », le bras en tension maximale vers
le saladier plus un regard lourd et insistant dans notre direction signifie
« passe moi la salade ».
-« hum grwoalbflb », la main qui s’agite vaguement
dans la direction du cendrier signifie « passe moi le cendrier ».
-« hum smftfff », en mimant le geste du fumeur
signifie « donne moi ta cigarette avant de l’allumer et va t’en rouler une
autre ».
Je n’ai pas encore eu l’occasion d’identifier la mimique
correspondant au remerciement…
Enfin au matin du 19 nous arrivons à Fakarava dans
l’archipel des Tuamotu. Cette zone du Pacifique est parsemée de volcans
écroulés qui ont vu transformer leurs cratères en atolls, entouré de bandes de
sable et de barrières de corail. Nous franchissons la passe Garuae puis allons
mouiller avec les autres voiliers dans le lagon. Le ciel gris à notre arrivée
se fend enfin puis se retire pour laisser place à un soleil de plomb qui dévoile
toutes les nuances de bleu de l’eau qui recouvre les coraux et le sable blanc…
« hum bobobo » (c’est joli!)…
Nous ne sommes là que
pour 4 heures, mais on trouve quand même le moyen de nous refiler du travail.
Je me colle au changement des anodes sur les deux arbres d’hélice pendant que
le reste de l’équipage astique avec plus ou moins de ferveur la coque au dessus
de la ligne de flottaison. Deb et moi nous éclipsons à la nage vers une de ces
tâche d’eau turquoise au pied d’une cardinale. Nous y découvrons une petite
montagne de coraux qui viennent effleurer la surface de l’eau, cet endroit
grouille de vie sous marine, quelques variétés de coraux aux couleurs sable,
jaune et vert entre lesquels nagent des poissons de toutes formes, tailles et
couleurs. Les flancs de cette « colline » plongent vers les
profondeurs, je m’y attarde un peu en apnée tant le spectacle est beau mais
j’entretien bêtement la crainte d’une mauvaise rencontre avec une murène, ce
qui me gâche un peu le spectacle.
Enfin tout le monde est paré, on va pouvoir mettre l’annexe
en service. D’ailleurs je craque, cette sortie est encore mémorable, je ne peux
contenir davantage une description un peu moqueuse car il serait injuste de
vous dépeindre toutes ces escales sans vous faire profiter de ce tableau :
le capitaine et son rapport avec l’annexe. Dans l’utilisation de cette
embarcation il ya deux phases principales que sont l’embarquement et le
débarquement, la phase de déplacement pure ne méritant pas d’attention particulière.
La mise à l’eau depuis le bateau est aisée, l’annexe
gonflable avec son moteur est suspendue au bossoir et manœuvrée grâce à deux
drisses assistées de poulies et d’un winch électrique. Une fois décrochée elle
est amarrée au bateau, c’est à ce moment qu’embarque en premier le capitaine en
tenue officielle : lunettes à couvre nez, casquette-cagoule, short et
ti-short anti sudation puis baskets récemment astiquées par Deb à sa demande.
L’homme prend place, ajuste au besoin les deux affreuses roues escamotables de
l’embarcation puis s’assoit, seul. De notre coté nous savons bien qu’il n’est
nul besoin de lui emboiter le pas et de s’installer à bord car il ne va pas
tarder à demander assistance : « qu’on me remplisse et m’apporte une
bouteille d’eau, qu’on aille chercher la poubelle sous l’évier et qu’on
l’embarque, qu’on ferme les portes et fenêtres » et enfin « qu’on
porte à moi le bidon d’essence », car il est indispensable d’ajuster le
niveau de carburant du moteur à chaque départ. Autant dire que vu l’utilisation
qu’on en fait nous ajoutons l’essence à coup de 10cl à chaque sortie. Quand
finalement toutes ces requêtes sont soulagées nous pouvons prendre place à bord
et larguer l’amarre, le petit moteur de 2,5ch nous propulsant à la vitesse
d’une planche de bois à la dérive.
Ca y est, nous ne sommes plus qu’à quelques mètres de la
berge, il nous faut maintenant descendre dans l’eau car, rappelons le, le
capitaine à chaussé ses baskets, il ne devra pas les mouiller pendant toute la
manœuvre. C’est là que ça devient croustillant, tellement que j’emprunte
quelques termes à Slocum car je ne saurai décrire mieux. Nous sommes donc chargé de hisser sur le
sable, tels des égyptiens, l’annexe, avec à son bord notre capitaine, droit
comme une brasse d’eau à la sortie de la pompe de calle, guettant le moment
opportun où il pourra débarquer pour fouler le sol sec. Un chef d’œuvre de
suffisance.
La mise à l’eau depuis la berge est toute aussi délectable,
pendant que nous nous efforçons de soulager l’embarcation de son poids pour la
faire glisser à l’eau, notre homme retient notre progression en tirant vers lui
l’amarre au cas où l’annexe gagnerait trop vite les flots sans qu’il n’ait pu
embarquer au sec. Quand enfin l’annexe est à moitié immergée il se jette dedans
d’un bond, se vautrant lamentablement au fond comme le ferai un phoque sur une
banquise, puis finalement s’installe en rajustant son couvre chef. De là il n’a
plus qu’à réclamer son sac resté sur la berge et à ordonner la fin de la mise à
l’eau.
Ah, comme ce personnage entier me donne à écrire! Un sujet
de discorde qui nous oppose quasiment à chaque escale refait surface, il est
question de nos déchets. Nous serons à Tahiti dans deux jours et il faut quand
même qu’il embarrasse ce petit bout de terre avec ses poubelles. Et comme à
chaque fois, il dépose ses sacs au premier support qu’il trouve, aux Galapagos
c’était à même le débarcadère, ici on se
contentera du premier tronc de cocotier sur la plage. Nous ne parvenons pas à
trouver le sentiment exact qui nous envahi dans ces moments là…
Passons, nous avons quartier libre pendant 45 minutes, juste
le temps de se dire qu’on resterait bien ici plus longtemps tant l’eau est
belle et le décor est paradisiaque. C’est également un laps de temps suffisant
pour tirer un enseignement évident : ne pas marcher pieds nus dans l’eau,
sur le corail, cette matière pénètre fort bien la peau après quoi elle se casse
pour mieux rester dans la chair… Oui, je sais ce que vous vous dites, mais
c’est pas dans les eaux noirmoutrines qu’on apprend les coraux.
Puis nous nous rejoignons tous les quatre dans un petit
snack où le capitaine invite tout l’équipage, comme à chaque escale. Ce petit
geste est à chaque fois appréciable, nous nous délectons de thon cru au lait de
coco et d’espadon grillé face à ce cadre de rêve…
l'eau est à 32°... |
13h30, on quitte déjà le mouillage pour reprendre la passe.
Prochain et dernier arrêt, Papeete, dans 240 milles. Nous regardons s’éloigner
Fakarava en étant assis cote à cote sur la dernière marche du flotteur tribord,
les jambes à la traine massées par le mouvement de l’eau. Nous sommes rêveurs,
voilà quelques jours qu’on ne pense plus qu’à l’Althéa qui attend notre retour
à Fatu Hiva. Celui là ou un autre, qu’importe, quel que soit l’engin flottant à
voile, c’est la meilleure des choses qui pourraient nous arriver pour sillonner
la Polynésie.
20/04, réveil étrange… Des paquets d’eau rentrent par les
hublots ouverts de notre chambre et de notre salle de bain. Les mouvements de
houle semblent très amplifiés et fort, quand les vagues frappent contre notre
coque, les secousses sont telles que notre bordel tombe en vrac des étagères.
Il semblerait que les éléments se réveillent enfin. J’envergue ma tenue de
touriste et apparait dans le cockpit, je suis instantanément balayé par deux crêtes
de houle coup sur coup. Trempé et bien réveillé me voilà dans le jus, je désespérais
de revoir un jour une mer formée! Le soleil brille de tout son éclat, se
reflète sur la mer bouillonnante blanche d’écume au sommet de chaque vague et
renvoie une lumière blafarde, filtrée par les embruns. La houle d’environ 4
mètres, de sud est, nous aborde en balayant systématiquement la surface du
bateau en recouvrant les fenêtres du carré. A l’intérieur c’est Bagdad, tout
vole à chaque secousse dans un joyeux vacarme. Le vent ne correspond pas à
cette houle très serrée et formée, il s’est levé en moins de 10 minutes me dit
on pour atteindre 27 nds. C’est déjà un score que l’anémomètre n’avait plus
affiché depuis longtemps mais cela ne suffit pas à lever et désordonner la mer
à ce point. Il a certainement du se passer un épisode costaud, là bas au sud
est et nous en recevons les restes. Deb apparait à son tour et nous contemplons
à l’abri sous des tenues plus appropriées ce spectacle qui fait monter en nous
en sentiment d’excitation qu’on avait presque oublié! Enfin nous naviguons… me
semblait-il, car je n’avais pas pris le temps encore de lever le nez pour voir
l’option de voilure qu’avait choisit le capitaine… RIEN, NEANT, à sec de toile!!!
Le vacarme des vagues couvre le bruit des deux moteurs en fonctionnement.
TRAHISON! On ne navigue pas! Le vent nous offre enfin une chance de se faire
plaisir à la voile pour les derniers milles et on ne la saisit pas pour d’obscures
raisons de sécurité…. Rrrahhh, enfer putride et damnation! Il faut croire qu’Eole
nous observait et a bien vu la manière dont nous avons ignoré son présent car
en moins d’une heure nous passons à 17 nds et l’heure suivante nous retrouvons
nos 6 nds de routine qui décrispent notre capitaine et lui rendent son sourire.
A 6 nds nous sommes encore au moteur, pas assez de vent… Puis finalement la houle s’allonge petit à
petit et tout rentre dans « l’ordre ». Amos nous annonce alors effrontément
qu’il a prié dieu de lui offrir les 100 derniers milles dans la sérénité.
Comment se fait-il que si entité supérieure il y a (j’en doute), elle soit de
son coté?
Le matin du 21 nous franchissons la passe du lagon dans
lequel se trouve la marina Taina, la fin de notre voyage à bord de ce bateau n’a
jamais été aussi proche! On nous promet de ne pas nous laisser partir comme ça,
3 jours de larbinage nous attendent, on nous demande d’astiquer toutes les
salles de bain du bateau et de faire la blanchisserie pout tout le monde, ben
voyons! Nous occupons ces 3 jours à nettoyer ce qui nous semble être notre part
du travail en bâclant bien certains passages, nous laissons de coté la
blanchisserie et le larbinage intensif pendant que ces messieurs partent en excursion…
Amos pousse le bouchon très loin, ça
coince, il nous donne finalement les malheureux $ promit et nous quittons avec
plaisir son bord au matin du 25… Dernière demande de sa part : nous
devrons revenir d’ici deux semaines pour faire son carénage, mais attention,
comme nous avons débarqué nous n’aurons plus le droit de rentrer dans le bateau…
cours toujours… Il ne doute de rien!
Parallèlement nous avons trouvé un boulot, il commence dans
une semaine, un CDI sous la loi des îles vierges britannique, en tant qu’équipage
modèle sur un voilier de luxe gigantesque… Défrayés et payés, nous allons
naviguer en Polynésie et peut être jusqu’à Hawaii, un plan idéal pour se
refaire en quelques mois… Mais cependant la joie ne nous envahie pas… Nous
avons très peur du niveau de domestication que l’on risque de nous demander,
déjà au point de vue vestimentaire et apparence, et ensuite l’idée d’être à la
disposition permanente de gens fortunés, si sympathiques soient ils, nous
rebute. Et pourtant la voix de la sagesse nous commanderait bien de foncer,
histoire de former un petit pécule pour la remise en état du bateau abandonné
qui voudra bien nous adopter… L’embauche officielle est le 1er mai, drôle
de symbole… On se donne quelques jours de réflexion supplémentaire, en prenant
bien en compte que du travail, ici, c’est pas gagné… Envoyez votre avis au
88333, pour oui, tapez 1, non, tapez 2! 88333 (5 443 $/minute)
Y'a de la joie, de l'aventure, un vraie plaisirs cette lecture. la Polynésie vous va bien!
RépondreSupprimerMagnifique la technique de l'œuf-plongeon de Deb!!
RépondreSupprimerOUAAAAAH C'est magnifiiiiique!!! Profitez bien !!!
RépondreSupprimerQue du bonheur cette lecture! profiter veinard!
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