monument des explorateurs, Lisbonne |
Depuis notre départ de Lisbonne les conditions sont assez
régulières, vent de nord, nord-est (froid !), navigation arrière et grand
largue au génois et tangon. Seule la force du vent varie de 5 à 20 nœuds.
Nous occupons nos journées à la sieste, aux tentatives de
changement de voilure (là-dessus on en revient toujours au génois avec tangon,
vitesse correcte et confort à la gite et aux manœuvres), aux jeux de dés et de
cartes et à la lecture. A ce sujet je dois remercier Steven et son maître
menuisier de marine Francis Baton qui m’a conseillé sa bible de bord : le nouveau cours
des glénans, à mettre en toutes les
mains des équipiers novices comme nous pour comprendre ce qui se passe sous,
dans et au dessus du bateau !
Ah tiens je sais qu’on attend aussi de nous des résultats au
sujet de la pêche ! Néant, je traine ma guigne à travers les mers malgré
l’achat par Philippe à Lisbonne de lignes de haute mer spéciales daurade et
thon, même une pour l’espadon… Naturellement de tels exploits de pêche seraient
immédiatement relatés en une du blog… En attendant on a pris de la morue
salée !
Il aura fallu attendre la deuxième nuit de cette nav, celle
du samedi au dimanche, pour casser la routine. Toujours poussés par un vent de
NE qui n’en fini pas de nous glacer, Deborah a appris quelques heures après moi
à naviguer en regardant le ciel, notamment
en se méfiant des nuages bas, très sombres et opaques, annonciateurs de
grains qu’un vent fort précède puis accompagne. Je m’étais donc laissé
surprendre durant mon quart par ce grain qui m’a forcé à prendre un ris, un peu
tard, le vent étant déjà passé de 15 à 40 nœuds. Aussitôt que le nuage m’eu
doublé le « calme » se réinstallait comme 10 minute avant. Je fus
réveillé plus tard par ce même vent forcissant et une gite sévère et insistante
qui m’a tiré de mon lit pour scruter si la personne de quart était en galère.
Je vis Deb avec sa frontale, un peu dépassée, la houle ayant sorti le bateau de
son allure, mettant le génois à contre par 50 nœuds (ce qui a fait méchamment
giter le bateau) et sollicitant tellement le pilote auto qu’il s’est mis en
sécurité en plein travers de la houle… Aie, l’inclinaison du bateau progresse,
aura-t-elle une limite? Je traverse tant bien que mal le carré intérieur le
plus vite possible, laissant dans mon sillage Philippe en râles au sol sous un
tas de coussins et d’affaires, que la gite venait d’éjecter de sa bannette.
Déborah n’arrive pas à séparer le pilote de la barre pour l’isoler et la
prendre manuellement, aussitôt dehors je goute à la pluie mais ce n’est rien à
côté de la vague qui m’est passée dessus l’instant suivant, pendant je larguai
l’écoute du génois afin de l’enrouler (ultimate pignonade à mon tour). Ce petit
coup de stress à gérer dans l’urgence nous à un peu secoués, Deb en fera un
article complet très bientôt! Petite frayeur, d’autant qu’une fois le génois
enroulé le moteur refuse de démarrer… Raaah, encore une galère, la côte la plus
proche est le détroit de Gibraltar à 200 milles à l’est… finalement le grain
passe et laisse derrière lui, hormis la houle, un ciel clair qui permet de
reprendre la route comme avant. On se change et se repose, Sim prend les
commandes jusqu’au levé du soleil.
Dès le réveil je m’attaque au moteur avec Philippe, la panne
est vite identifiée et réglée, de l’air dans le circuit de gazole. Cependant la
réparation effectuée à Santander sur le tendeur de la courroie d’accessoires
donne des signes alarmant, la courroie est en train de se faire manger, elle
est déjà toute fine bien que neuve d’une semaine. Les poulies seraient
désaxées? A surveiller!
Le soleil nous réchauffe la journée, le sondeur annonce
l’eau à 20°, elle est d’un bleu magnifique et troublant, le fond est à 4500
mètres.
C’est après manger le midi, en pissant par-dessus bord que
Philippe et moi la voyons. Allons, n’ayez pas l’esprit mal placé, je vous vois
venir! « LA », c’est l’énorme silhouette qui fait surface à moins de
20 mètres du bateau, crachant son air avec un grand bruit de soufflet, LA baleine!
Alertés par nos cris d’excitation Deb et Sim sortent sur le pont mais le cétacé
à déjà replongé… Deb et moi ne lâchons pas l’affaire, tant qu’elle est dans le
coin nous scrutons partout, on veut la voir et la revoir encore! Efforts
récompensés, 20 minutes plus tard j’aperçois un jet de brume vertical loin
derrière nous, elle est encore là! Puis enfin elle refait surface, beaucoup
plus près sur tribord… Nous entamons alors sans le savoir un balai de cétacé
qui durera 2 heures… On les voit venir dans la houle par leurs silhouettes aux
flancs clairs et leurs dos sombres. Nous remarquons aussi qu’on peut les
repérer à leurs « traces » à la surface, des trainées intermittentes
de 15 mètres par 3 d’eau lisse, ce qui doit correspondre aux remous de chaque battement
de queue. Les plus proches font surface à peut être 10 mètres de nous, toujours
avec ce bruit de soufflerie gigantesque, une autre « surfe » la houle
qui nous vient de derrière puis disparait sous le bateau… La beauté du
spectacle ôte rapidement le doute sur notre vulnérabilité et leurs intentions!
Nous sommes comme des enfants! En
consultant le bloc nautique qui est à bord, nous pensons fortement qu’il s’agit
de rorquals communs, museau très allongé, flancs clairs, toute petite nageoire
dorsale reculée,… Un seul regret cependant,
tellement scotché par le spectacle j’en ai oublié d’immortaliser ces
instants. Lorsque je me suis décidé à aller chercher l’appareil photo leurs
apparitions étaient déjà plus rares, sur des dizaines de prises, une seule
laisse apercevoir la bête…
vous la voyez?, c'est pas évident, on zoom! |
alors? |
A la suite de cet épisode (ou plutôt leçon d’humilité) la
routine a repris son cours. Pour couronner le tout le vent ne fait que faiblir,
notre vitesse est largement réduite le confort augmenté mais le temps commence
à être long à bord, besoin d’une vraie escale! Heureusement Philippe n’a pas
son pareil pour se faire victime d’un gag et nous amuser. Cette nuit il a reçu
une petite douche avec le contenu d’un seau dans lequel reposait une morue en
train de désaler, seau qu’il venait lui-même de placer au dessus de lui dans un
équilibre discutable, le temps de fouiller dans un coffre. Evidemment ça a été
très payant, odeur de morue dans les cheveux et les fringues…
A tel point que le matin suivant nous sommes réveillé par
Sim et Philippe en train de se mettre en maillot de bain, préparation à la
baignade en haute mer, la flotte est à 20°. Nous y passons tous sauf Deb,
chacun son tour à la traine, Sim sort même pour l’occasion sa planche de surf.
Moi je suis complètement absorbé par la couleur de l’eau, une sorte de bleu
marine – turquoise, limpide!
Le vent faibli toujours, en soirée notre vitesse chute sous
les 2 nœuds, le capitaine change la courroie du moteur (qui est déjà condamnée
comme la précédente puisqu’on ne peut pas la tendre suffisamment), et c’est
reparti… Au petit matin le vent est inexistant, c’est une vraie mer d’huile, on
voit le reflet de nos visages quand on la regarde. Hélas sa température est
redescendue à 16° et sa couleur est redevenue verte. Ce qui ne m’empêche pas
d’exiger une halte baignade entre deux coups de moteur, petit plongeon, seul
cette fois.
Nous commençons à prévoir la suite, l’organisation a Agadir.
Philippe lors d’un précédent voyage au Maroc s’était engagé à apporter des
livres (stockés dans le bateau) à l’école d’un petit village près de Tafraoute,
nous devons donc faire 2 groupes. Dans un premier temps il nous propose à Deb
et moi de convoyer son bateau avec Cedric (que nous ne connaissons pas encore)
jusqu’à Sidi Ifni où il nous retrouverait avec Sim après avoir livré ses
bouquins. L’offre est très alléchante, belle marque de confiance, seulement là
nous avons surtout besoin de terre avant de reprendre le large, voilà 12 jours
qu’on n’a pas fait de vraie escale. Finalement c’est Philippe qui va naviguer
jusqu’à Sidi Ifnit avec Cedric, nous trois allons jouer les missionnaires pour
cette livraison, on remplit nos à dos à l’approche du port d’Agadir, RDV avec
le Mondrian à Sidi ou plus bas selon les envies dans quelques jours.
Programme bien ficelé, nous pouvons aborder les côtes
Marocaines sereinement. En approchant ça sent la terre, odeurs prenantes, j’y
retrouve celles du mouton et de la coriandre… Mais c’est peut être un peu dans
la tête! Nous entrons au port au petit matin et croisons tous les petits
pêcheurs qui démarrent leur journée.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire